"Je ne pense pas que [Nsengiyumva] ait sincèrement cru à l'idée du multipartisme", a soutenu Mme Des Forges, expliquant que l'accusé recommandait des changements "pour répondre à la pression internationale".
D'après l'expert, "ces changements étaient inévitables mais peu désirables", du moins dans l'esprit de Nsengiyumva. l'accusé aurait fait référence au fameux "vent de la démocratie" qui commençait à souffler à travers l'Afrique, et conclu que "ce vent (...) va nous balayer". C'est "une des tactiques venues D'Europe pour perpétuer la domination coloniale", aurait-il-dit.
Me Ottachi a cependant relevé que son client avait, en 1990, suggéré au président de la république, Juvénal Habyarimana, que le Rwanda ne pouvait pas échapper au processus de démocratisation et prônait la tenue d’élections.
l'accusé se serait cependant posé la question de savoir comment on allait gérer ce changement, basant ses inquiétudes sur le fait que les partis politiques naissants seraient entachés D'une connotation régionale ou ethnique.
A ce sujet, Mme Des Forges a indiqué que la création du multipartisme ne pouvait donner lieu à des divisions "car elles existaient déjà". "Elle a donc contribué à les aggraver", a-t-elle clarifié.
Le multipartisme a vu le jour au Rwanda en 1991. Des négociations de paix avec le FPR (l'ex-mouvement rebelle du Front Patriotique Rwandais), entamées en 1993, devaient aboutir à la mise sur pied D'un gouvernement à base élargie.
Le parquet allègue que Nsengiyumva et ses co-accusés étaient contre ces accords, restés lettre morte en raison notamment du génocide déclenché le 6 avril 1994 à la suite de l'attentat contre le président Habyarimana.
Nsengiyumva est co-accusé avec trois autres hauts officiers des ex-Forces armées rwandaises (ex-FAR): l'ancien directeur de cabinet au ministère de la défense, le colonel Théoneste Bagosora, l'ancien responsable des opérations militaires à l'Etat major de l'armée, le général de brigade Gratien Kabiligi, ainsi que l'ancien commandant du bataillon para-commando de Kigali, le major Aloys Ntabakuze.
Ils sont notamment accusés D'entente en vue de commettre le génocide et de crimes de guerre. Le parquet allègue que les quatre hauts gradés des ex-FAR
sont parmi les principaux responsables de la tragédie rwandaise qui a emporté la vie D'un million de personnes D'avril à juillet 1994. Ils plaident non coupables.
Le procès des militaires se déroule devant la troisième chambre de première instance du TPIR, présidée par le juge George Lloyd Williams de Saint Kitts
et Nevis, et composée en outre des juges, slovène, Pavel Dolenc, et sénégalaise, Andrésie Vaz.
Contrairement à ses habitudes, la troisième chambre siègera vendredi "pour gagner du temps".
GA/CE/GF/FH (ML-1121A)