24.09.2002 - TPIR/MILITAIRES - BAGOSORA AVAIT DES AMBITIONS PRESIDENTIELLES, SELON ALISON DES FORGES

Arusha, le 24 septembre 2002 (FH) - l'historienne américaine et activiste des droits de l'homme, Alison Des Forges, a affirmé mardi que l'ancien directeur de cabinet au ministère rwandais de la défense, Théoneste Bagosora, avait des visées présidentielles avant et pendant le génocide de 1994. Mme Des Forges est entendue comme expert depuis le 2 septembre dernier dans le "procès des militaires" en cours devant le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).

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Alors que la défense avait entamé le contre interrogatoire par des questions générales dont la plupart avaient trait à l'histoire du Rwanda, elle a centré, mardi, son contre-interrogatoire de l'expert sur des sujets en rapport direct avec l'accusé.

Répondant aux questions de l'avocat martiniquais de Bagosora, Me Raphaël Constant, le témoin a indiqué que "D'après certains observateurs, (le président Juvénal) Habyarimana se méfiait de Bagosora" compte tenu de son influence, et qu'il espérait accéder à la magistrature suprême. "Bagosora voulait gouverner le Rwanda et espérait avoir la chance D'y parvenir", a déclaré l'expert.

Sommée de jeter la lumière sur les ambitions présidentielles de l'accusé avant les événements de 1994, Mme Des Forges a simplement indiqué que "c'est l'observation de quelqu'un qui a suivi la scène politique (du Rwanda) à l'époque", sans donner davantage de précisions sur cette source.

Cependant, aux multiples questions de la défense qui réclamait de plus amples détails sur les ambitions alléguées de son client, l'expert a concédé ne pas être au courant d’un éventuel coup d’Etat de Bagosora pour renverser Habyarimana. "Cette conclusion est basée sur une analyse faite par un observateur bien placé", a-t-elle insisté.

Parlant de la période D'après le 6 avril 1994, date du déclenchement du génocide, Mme Des Forges a rapporté que "[l'accusé] s'était efforcé de prendre le contrôle de la situation politique pour assumer la direction du pays au plus haut niveau".

Le parquet allègue en effet qu'après l'attentat contre l'avion présidentiel le 6 avril 1994, "Bagosora […] était l'homme le plus puissant du pays" et s'est imposé "comme l'homme de la situation à même de gérer la crise".

Sentiment anti-Tutsi ?
l'accusation considère en outre que Bagosora était "le cerveau" du génocide anti-Tutsi qui a emporté la vie de près D'un million de personnes D'avril à juillet 1994.

Me Constant a voulu savoir si le témoin avait effectué des recherches visant à établir un éventuel sentiment anti-Tutsi de l’accusé. A ce sujet, Mme des Forges a indiqué que son rapport traite des événements du Rwanda sur une période donnée, mais qu'elle n'a pas fait de recherche spécifique à ce sujet. "Je présente des informations sur plusieurs individus, mais sans mener d’enquêtes approfondies ou ponctuelles sur chacun des accusés", a-t-elle déclaré.

l'expert a par ailleurs affirmé ne pas faire de reproches, mais décrire des événements "dont les développements sont perçus à travers un prisme ethnique".

Bagosora est co-accusé avec trois autres hauts gradés des ex-Forces armées rwandaises (ex-FAR), le général de brigade Gratien Kabiligi, le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva, et l'ancien commandant du bataillon para-commando de Kigali, le major Aloys Ntabakuze. Ils sont notamment accusés D'entente en vue de commettre le génocide et de crimes de guerre.

Ils plaident non coupables.
La défense de Bagosora devait clôturer le contre interrogatoire de l'expert mardi, mais, au vu de la complexité des sujets abordés, la chambre l’a autorisé à poursuivre jusque mercredi 13 heures (10 heures GMT).

Il est cependant peu probable que l'expert clôture sa déposition jeudi prochain tel que prévu par la chambre. En effet, les conseils des trois autres accusés doivent succéder à Me Constant et contre-interroger à leur tour le témoin.

Le procès des militaires se déroule devant la troisième chambre de première instance du TPIR, présidée par le juge George Lloyd Williams de Saint Kitts et Nevis, et composée en outre des juges, slovène, Pavel Dolenc, et sénégalaise, Andrésie Vaz.

GA/FH (ML-0924A)