27.11.2001 - TPIR/KAJELIJELI - UN PROCUREUR RWANDAIS AURAIT INTIMIDE DES TEMOINS DE LA DEFENSE

Arusha, le 27 novembre, 2001 (FH) - Un avocat auprès du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a demandé aux juges de déclarer le premier substitut rwandais du procureur, Rukira wa Muhizi, coupable D'outrage au Tribunal, pour avoir, selon lui, intimidé des témoins de la défense. "Les résultats de ces actes D'intimidation et de harcèlement ont causé un sentiment de frisson à nos témoins potentiels de la défense au Rwanda", a indiqué l'avocat de l'ancien maire de Mukingo (préfecture Ruhengeri, nord du Rwanda), Juvénal Kajelijeli, l'Américain Me Lennox Hinds.

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"Cela a engendré la peur et l'anxiété auprès de tous nos témoins de la défense détenus dans la prison de Ruhengeri", a poursuivi Me Hinds.

Dans une requête en "extrême urgence" soumise au TPIR, Me Hinds allègue que le premier substitut du procureur à Ruhengeri, Rukira wa Muhizi, était aux alentours moment où l'avocat interviewait des témoins potentiels dans la prison de Ruhengeri.

Me Hinds indique que le procureur rwandais a intimidé les témoins en question. A sa requête, le Professeur Hinds a annexé les déclarations de deux de ses témoins potentiels.

Hinds a indiqué avoir porté plainte auprès du ministre rwandais de la justice, Jean de Dieu Mucyo, le 30 septembre dernier, mais qu'il n'avait pas reçu de réponse. Il a renouvelé sa plainte par écrit le 21 novembre. Me Hinds allègue que: "le ou vers le 14 novembre 2001, le conseil de Kajelijeli a appris D'une source confidentielle (…) que malgré ma plainte initiale du 26 septembre 2001 concernant les menaces et l'intimidation, le premier substitut du procureur Rukira wa Muhizi a continué ses manœuvres de harcèlement, de menaces et D'intimidation des témoins potentiels de la défense".

"Faire laver son véhicule"

Me Hinds affirme qu'il a visité la prison de Ruhengeri au mois de septembre pour rencontrer et interviewer des témoins potentiels de la défense, avec l'autorisation du TPIR et des autorités rwandaises. "En dépit du fait que ces témoins sont des témoins protégés (…), leurs identités devaient être révélées aux autorités de la prison et du ministère de la justice pour nous permettre de les interviewer", dit-il. "Le premier jour de mes interviews, le 25 septembre, il n'y a pas eu D'incident. Cependant, le jour qui a suivi, deux témoins potentiels de la défense sont venus m'informer qu'ils étaient sujets à des menaces directes et à l'intimidation par le premier substitut du procureur Rukira wa Muhizi".

Me Hinds indique qu'il en a immédiatement informé les diverses autorités du TPIR et du Rwanda. En conséquence, poursuit la requête, "M. Rukira wa Muhizi m'a rendu visite à l'hôtel Muhabura, a rejeté avoir fait des menaces en disant que les prisonniers de Ruhengeri ont une dent contre lui parce que c'est lui qui s'occupe de leurs dossiers. Il a cependant reconnu avoir été présent à une distance éloignée de la prison où une salle D'interview avait été mise à notre disposition. Son explication était qu'il était là pour faire laver son véhicule".

Un des témoins potentiels cité par Hinds a indiqué :"Le 25 septembre 2001, alors que J'allais être interviewé, avec D'autres prisonniers, J'ai vu le premier substitut du procureur, Augustin Rukira wa Muhizi.Il nous a demandé si nous envisagions témoigner dans l'affaire Kajelijeli, nous n'avons pas répondu, mais il nous a averti que nous allions subir les conséquences de ce que nous allions faire".

"J'ai été pris de panique et J'ai immédiatement informé le professeur Hinds, étant donné que Augustin Rukira wa Muhizi est chargé de mon dossier", poursuit la déclaration.

"Commettre le suicide"

Un autre témoin potentiel dont la déclaration est annexée à la requête affirme qu'il/elle été condamné à mort pour crime de génocide. Selon le Professeur Hinds, le dossier est en appel.

"J'allais être interviewé [...] et Rukira wa Muhizi, qui se tenait devant la salle D'interview près D'un véhicule garé, m'a averti que si J'acceptais de déposer dans l'affaire Kajelijeli, je serais transféré loin de Ruhengeri de sorte que ma famille ne sera plus en mesure de me voir ni ne saura où je serais emprisonné. J'ai pris peur et J'ai décidé de ne pas parler au conseil de la défense. J'ai au contraire décidé D'informer le Professeur Hinds. J'ai l'impression que ce serait commettre le suicide en parlant aux avocats de Kajelijeli".

"Si elles étaient prouvées", souligne Me Hinds dans sa requête, "ces allégations sont sérieuses et menacent l'intégrité du Tribunal, ainsi que le droit de Kajelijeli D'avoir un procès équitable. En plus, la menace et l'intimidation des témoins constituent une offense criminelle dans la plupart de juridictions".

En guise de solution alternative à l'accusation D'outrage au Tribunal contre le substitut rwandais du procureur, Me Hinds demande au Tribunal de "organiser un débat à ce sujet, et dans l'entre temps, enjoindre au premier substitut rwandais du procureur, Rukira wa Muhizi, de ne plus contacter aucun des témoins de Kajelijeli sans la présence de son conseil".

Le procès de Kajelijeli a repris lundi devant le TPIR. l'ancien maire a plaidé non coupable de onze chefs D'accusation de génocide et de crimes contre l'humanité retenus contre lui. Le parquet soutient que Kajelijeli a incité, planifié et participé aux massacres des Tutsis à Mukingo et dans les communes avoisinantes, en 1994.

Le procès se déroule devant la deuxième chambre de première instance du TPIR présidée par le juge tanzanien William Hussein Sekule, et comprenant en outre les juges lesothan Winston Churchill Matanzima Maqutu et malgache Arlette Ramaroson. La date à laquelle cette requête sera plaidée n'a pas encore été annoncée.
JC/GA/AT/DO/FH (KJ_1127A)