06.07.2001 - TPIR/MEDIAS - LE PARQUET S'ATTAQUE A l'ARTISTE SIMON BIKINDI

Arusha 6 juillet 2001(FH) - Le parquet a commencé à s'attaquer à l'artiste Simon Bikindi, dont les chansons étaient régulièrement diffusées à la Radio-télévision libre des Mille Collines (RTLM) pendant le génocide anti-tutsi de 1994 et les massacres D'opposants, a-t-on constaté dans le procès des anciens responsables des "médias de la haine" en cours devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Jeudi, la représentante kenyane du parquet, Charity Kagwi, a tenté D'obtenir du vingt-cinquième témoin de l'accusation une déclaration selon laquelle les chansons de Simon Bikindi accompagnaient le génocide, mais elle a reçu des réponses mitigées.

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Technicien à la radio nationale rwandaise en 1994, le témoin a simplement indiqué que les chansons de Simon Bikindi faisaient référence à l'histoire ancienne du Rwanda caractérisée par les antagonismes entre les ethnies hutue et tutsie ou remontaient le moral des soldats de l'ex-armée rwandaise opposée alors au Front patriotique rwandais (FPR) actuellement au pouvoir à Kigali.

Le témoin a affirmé que les chansons de Simon Bikindi sont encore vendues aujourD'hui dans des maisons de disques au Rwanda et sont écoutées dans des bars.

Désigné par les lettres "SA" pour protéger son anonymat, le témoin a signalé que la musique de Bikindi est régulièrement jouée dans le bar qu'il aime fréquenter à Kigali, ajoutant qu'il continuera à le fréquenter même à son retour D'Arusha.

"Les gens écoutent ces chansons pour se rappeler l'histoire", a déclaré en substance le témoin qui s'exprimait dans sa langue maternelle, le kinyarwanda, soulignant que quand on entend jouer cette musique quelque part, on ne peut passer outre, contrairement à D'autres formes de musique, a-t-il dit, citant nommément celle de l'artiste Michael Jackson.

Selon les observateurs qui suivent le TPIR, ces allusions à l'artiste Simon Bikindi dans un procès ne sont pas "gratuites" et présument que le parquet "prépare quelque chose contre lui.". Les enquêtes menées par le parquet se font dans le plus grand secret et un acte D'accuastion n'est rendu public que quand il a été notifié à son destinataire.

Réfugié aux Pays-Bas

Simon Bikindi a travaillé au ministère de la jeunesse et des sports jusqu'en 1994 et a été responsable D'un ballet folklorique. Il est actuellement réfugié aux Pays-Bas, où il a demandé l'asile politique et où il ne cherche pas à se cacher. Répondant récemment à un journaliste de la chaîne publique française de télévision France 2, il s'est déclaré innocent et a affirmé qu'il se défendra s'il devait être accusé de participation au génocide.

Commentant les chansons de Bikindi, l'ouvrage collectif "Rwanda. Les médias du génocide" publié sous la direction du chercheur français Jean-Pierre Chrétien, note :"On se trouve devant un cas typique de récupération politique du passé et de manipulation de l'histoire, transformée en idéologie, celle du dogme des trois ethnies vouées à un antagonisme éternel. Il s'agit de défendre ainsi les "intérêts prioritaires du peuple majoritaire".

Les auteurs de l'ouvrage concluent à "une propagande du "réveil et "du secours", qui fait l'écho à l'action des médias racistes et des milices".

Pour sa part, l'ouvrage "Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda" publié par Human Rights Watch et la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, affirme que "Bikindi disait dans ses chansons que la révolution [hutue de 1959] devait être préservée "surtout par nous qui en avons bénéficié", ce qui signifiait que si les Tutsis gagnaient [la guerre], ils ne reviendraient pas seulement sur les changements politiques découlant de la révolution, mais ils réclameraient aussi tous les biens qui leur avaient autrefois appartenu, laissant de nombreux Hutus dans la misère. Cet argument avait un poids certain auprès des cultivateurs exploitant des terres qui leur avaient été attribuées après l'expulsion des Tutsis, et qui craignaient plus D'être réduits à l'état de paysans sans terre".

l'ouvrage ajoute qu'en 1994 au Rwanda, "il y avait une radio à la plupart des barrières et les gardes écoutaient la RTLM pendant leurs longues heures de service. Les patrouilles partaient pour des tueries en chantant des chansons entendues sur la RTLM, dont celles de Simon Bikindi".

Le procès des médias concerne l'ancien promoteur de la RTLM, Ferdinand Nahimana, l'ancien conseiller politique au ministère des affaires étrangères et membre du comité D'initiative de la RTLM, Jean-Bosco Barayagwiza, ainsi que l'ancien directeur et rédacteur en chef de la revue Kangura, Hassan Ngeze.

l'avocat béninois de Barayagwiza, Me Alfred Pognon, a estimé qu'il était normal qu'en temps de guerre un griot "fouette le moral des armées".

AT/PHD/FH (ME_0706A )