15.05.2000 - TPIR/RUGGIU - LE JOURNALISTE ITALO-BELGE GEORGES OMAR RUGGIU A PLAIDE COUPABLE

Arusha 15 mai 2000 (FH) - l'ancien journaliste italo-belge à la Radio-télévision libre des Milles (RTLM), Georges Omar Ruggiu, a plaidé coupable D'incitation publique au génocide et de persécutions, lundi, devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Georges Ruggiu a reconnu avoir "directement et publiquement incité à des meurtres et à causer des atteintes graves à l’intégrité physique et/ou mentale des membres de la population tutsie dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe ethnique ou racial en tant que tel".

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Il a également reconnu avoir commis "des persécutions pour des raisons politiques ou raciales, dans le cadre D'une attaque systématique et généralisée contre une population civile, les Tutsis, certains Hutus et des Belges’’ par ses émissions.

"Ce sont des événements que je regrette mais qui sont la réalité et J'ai décidé de les assumer", a ajouté Ruggiu.

"Je tiens à confirmer qu'il s'agissait bien D'un génocide et que malheureusement J'y ai participé", a déclaré Ruggiu.

Surnommée ‘’radio de la haine’’ pour sa propagande anti-tutsie, l’acte d’accusation souligne que la station RTLM sur laquelle a travaillé Ruggiu, entre le 6 janvier et le 14 juillet 1994, était utilisée pour prêcher ‘’l’idéologie et les desseins des Hutus extrémistes à l'intérieur du Rwanda."

Petit, costume noir, la barbe coupée court, l'accusé, 43 ans, a indiqué qu'il était convaincu de sa culpabilité et qu'il comprenait la nature des charges "accablantes" retenues contre lui.

Le repenti a affirmé s'être rendu compte "que certaines personnes au Rwanda avaient été tuées en 1994 et que J'en étais responsable et coupable", a-t-il dit.

Georges Ruggiu a été arrêté le 23 juillet 1997 à Mombasa (Kenya) et transféré au centre de détention des Nations unies à Arusha. Son acte D'accusation avait été confirmé le 14 octobre 1997 par le juge suédois Lennart Aspegren. Lundi, le parquet a été autorisé à modifier son acte D'accusation, "pour mieux spécifier les allégations factuelles, l'exposé succinct des faits et les deux chefs D'accusation", a-t-on expliqué.

Pas de promesse du procureur CARLA DEL PONTE, Les modalités D'aveux de Georges Ruggiu sont consignées dans un accord, encore tenu secret, conclu avec le procureur. Cet accord porte sur les faits et sur la traduction juridique de ces faits,
expliquent ses avocats. Georges Ruggiu a négocié avec le procureur depuis juillet 1999.

Le repenti est représenté par les avocats tunisien, Me Mohamed Aouini, et belge, Me Jean-Louis Gilissen. Les avocats de Ruggiu et le parquet affirment qu'il n'y a pas eu de promesse faite à l'accusé pour passer aux aveux.

"Il n'y a pas eu de promesse, il n'y en aura jamais. Ce genre de plaidoyer doit être volontaire", a ponctué le procureur des Tribunaux des Nations unies pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie, la Suissesse Carla del Ponte, présente à l'audience.

Unique accusé non rwandais

Georges Ruggiu est l’unique accusé non rwandais poursuivi par le TPIR. Isolé des autres détenus depuis qu'il a entamé ses confessions, il habite dans une maison sécurisée aux côtés de l'ancien chef milicien en préfecture de Gisenyi (ouest du Rwanda), Omar Serushago, qui a également plaidé coupable.

Georges Ruggiu est le premier accusé, dans l’histoire de la justice internationale, à être jugé par un tribunal international, sans être ressortissant du pays où les crimes ont été commis.

Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), et ceux de Nuremberg et de Tokyo à l’issue de la seconde guerre mondiale, n’ont mis en accusation que des citoyens respectivement issus d’ex-Yougoslavie, d’Allemagne et du Japon.

Georges Ruggiu est né à Verviers (province de Liège, est de la Belgique) D'un père italien et D'une mère belge. Il a deux nationalités : italienne et belge.

Ancien éducateur et "idéaliste"

Ruggiu, un ancien éducateur qui fréquentait les milieux d’extrême-droite en Belgique, a rejoint le Rwanda en septembre 1993, après avoir fait partie D'un "groupe de réflexion rwando-belge", proche de l'ancien régime du président rwandais, Juvénal Habyarimana.

"Je suis un idéaliste et je suis devenu passionnément intéressé par leur cause et J'ai joint le groupe de réflexion rwando-belge", a indiqué Georges Ruggiu à un journal italien, au mois D'avril 1998.

"Ainsi quand ils m'ont offert un emploi au Rwanda, J'y suis allé. Je devais organiser des programmes pour une nouvelle station de radio. Une station qui devait dire la vérité, m'a-t-on dit. Je savais qu'elle soutenait le président Habyarimana. J'ai suivi les instructions qu'ils m'ont données, mais je n'ai jamais lancé un appel pour quiconque afin qu'il soit tué", s'est-il expliqué, au cours de l'interview avec le quotidien milanais" Corriere della Sera"

l'avocat belge de Ruggiu, Me Gilissen, a indiqué, lundi, que son client avait estimé, au départ, qu'il avait "mené un combat de nature politique".

Le repenti a changé D'avis au moment où il a appris qu'un des ses co-détenus, l'ancien directeur et rédacteur en chef du journal extrémiste Kangura, Hassan Ngeze, aurait tenu un discours public à la prison selon lequel "à tort ou à raison le génocide rwandais aurait été un génocide planifié", a révélé l'avocat belge.

Quand l'accusé a voulu s'informer de la situation, il a reçu des sarcasmes, a poursuivi l'avocat. Ses co-détenus l'ont par la suite persécuté en jetant sa nourriture par terre et en le qualifiant D'Inyenzi [Cancrelat, terme utilisé pour désigner les Tutsis pendant le génocide]

Georges Ruggiu s'est alors rendu compte qu'il a été trompé, selon la défense. "On lui a caché quelque chose D'essentiel", a souligné Me Gilissen. l'accusé n'a eu "aucune information que les massacres de masse commis au Rwanda à partir du 6 avril 1994 étaient planifiés", a répondu Me Gilissen à un juge.

Georges Ruggiu avait plaidé non coupable lors de sa comparution initiale le.24 octobre 1997. Lundi, il a changé de plaidoyer. l'accusé a estimé que son ancien plaidoyer n'avait aucune signification car il ne correspondait plus ni à son souhait ni à la réalité, a dit Me Gilissen.

Georges Ruggiu est la troisième personne poursuivie par le TPIR à plaider coupable, après l'ancien premier ministre, Jean Kambanda, et l'ancien chef milicien, Omar Serushago.

Georges Ruggiu a comparu devant la première chambre de première instance du TPIR présidée par la juge sud-africaine, Navanethem Pillay, et comprenant en outre les juges norvégien, Eric Mose, et slovène, Pavel Dolenc.

Le parquet était représenté par le procureur des Tribunaux des Nations unies pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie, la Suissesse Carla del Ponte, ainsi que les substituts camerounais du procureur, William Egbe, et tanzanien, Mohamed Othman.

Carla del Ponte a déclaré que l'accusé était conscient des actes qu'il a commis.

AT/PHD/FH (RG%0515A )