HUIT CENTS NOMS SUPPRIMES DE LA LISTE DES "GENOCIDAIRES"

Kigali, 10 juillet 99 (FH) - Le procureur général près la Cour Suprême, Siméon Rwagasore, a annoncé jeudi devant le parlement qu'il venait de signer le matin du même jour une nouvelle liste des personnes accusées de génocide de la première catégorie. Cette liste sera publiée prochainement dans le Journal Officiel de la République, a-t-il ajouté.

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Le procureur général a précisé qu'il s'agissait de l'ancienne liste revue. Au moins 800 noms ont été supprimés de cette ancienne liste et environ 900 nouveaux noms y ont été ajoutés.

La listes des "grands génocidaires" est prévue par la loi organique sur "l'organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou des crimes contre l'humanité commises à partir du 1er octobre 1990". Selon l'article 9 de cette loi, "au fur et à mesure que les enquêtes progressent, une liste des personnes poursuivies ou accusées d'avoir commis des actes les rattachant à la première catégorie est dressée et mise à jour par le procureur général près la Cour Suprême. Cette liste sera publiée trois mois après la publication de la présente loi organique au Journal Officiel et republiée périodiquement par la suite pour refléter les mises à jour".

La première catégorie comprend essentiellement des planificateurs et des encadreurs du génocide et de crimes contre l'humanité, ainsi que les auteurs des crimes sexuels.

Imprécisions et erreurs

La liste n°1 avait été publiée dans le Journal Officiel du 30 novembre 1996, deux mois après la publication de la loi organique sur le génocide du 1er septembre 1996. Cette première liste avait fait l'objet de vives critiques, toujours grandissantes, dans l'opinion publique, qui réclamait que certains noms soient supprimés. Elle contenait les noms de 1946 personnes, dans certains cas avec des imprécisions sur leur identité ou des répétitions de noms. Certains noms appartenaient par ailleurs à des personnes mortes avant le génocide de 1994 ou victimes de ce même génocide.

D'autres personnes figurant sur la liste ont été reconnues innocentes, à l'exemple du préfet de Ruhengeri, Boniface Rucagu. Le 29 avril 1997, le Premier ministre Pierre-Célestin Rwigema écrivait une lettre au ministre de la Justice, dont dépend le procureur général près la Cour Suprême, pour lui demander "de supprimer rapidement les noms des personnes mises sur la liste sans preuves". "Les exemples sont nombreux, comme Boniface Rucagu, dont les investigations ont montré qu'il n'a pas trempé dans le génocide et les massacres" ajoutait le premier ministre.

Pour la première fois, cette liste a été corrigée. Le procureur Siméon Rwagasore a déclaré devant les députés, avoir reconnu publiquement que la liste "des grands génocidaires" était imparfaite et demandé pardon pour cela. "Mais il fallait comprendre dans quelles conditions nous avions travaillé : le délai de trois mois seulement exigé par la loi était trop court" a-t-il souligné. "Par ailleurs, nous n'avions pas de personnel du tout, tout le système judiciaire ayant été détruit pendant le génocide. Nous n'avions aucun moyen matériel", a expliqué le procureur pour justifier les erreurs de la liste.

Personnalité politique libérée de prison

Le procureur général près la Cour Suprême n'a pas précisé si le nom de l'ancienne vice-présidente du Conseil National de Développement (CND), l'ancien parlement, figure parmi les 800 noms biffés de la liste. La personnalité en cause, Madame Immaculée Nyirabizeyimana, a été libérée de prison en février dernier, "faute de preuves pour justifier sa détention", a indiqué M. Rwagasore.

Le 9 avril 1994, Immaculée Nyirabizeyimana avait présidé les cérémonies d'investiture du gouvernement intérimaire, qui avaient vu le président du CND, Théodore Sindukubwabo, succéder au général Juvénal Habyarimana. Le président Habyarimana avait été tué trois jours plus tôt dans un attentat contre son avion. Sa mort avait déclenché le génocide des Tutsis et les massacres des Hutus modérés.

Immaculée Nyirabizeyimana était rentrée des camps de réfugiés de l'est de l'ex-Zaïre lors du rapatriement massif des réfugiés hutus en 1996. Aussitôt arrivée au Rwanda, elle avait été arrêtée. Elle est originaire de Byumba, au nord-est du pays.

Le nom de Mme Nyirabizeyimana porte le numéro 1930 de la liste n°1. Sa libération est intervenue dans le cadre de la décision prise par le Gouvernement l'année dernière de relâcher dix mille prisonniers sans dossier, vieillards ou malades chroniques. S'il y a un quelconque élément de preuve sur leur éventuelle implication dans le génocide, ils seront à nouveau arrêtés.

Devant le parlement, le procureur général Rwagasore a subi les attaques de certains députés qui estimaient qu'il n'aurait pas dû libérer Immaculée Nyirabizeyimana. En réponse à ces interventions, il a déclaré: "Si quelqu'un d'entre vous détient un indice sérieux, qu'il nous le fasse savoir, nous l'arrêteront à nouveau, mais jusqu'ici, il n'y a rien qui puisse justifier qu'on la maintienne en prison".

WK/PHD/FH (RW&0710A)