LA COMMISSION CONJOINTE RWANDA-TPIR DIVISE LES DEUX PARTIES

Arusha, 30 mars 2002 (FH) - La commission conjointe d'enquête gouvernement rwandais-Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) divise les deux parties à la veille de la date supposée pour le démarrage de ses travaux, le 1er avril, a constaté l'agence Hirondelle. Le greffier du TPIR, le Sénégalais Adama Dieng, avait annoncé le 4 mars "la mise en place d'une commission de vérification des allégations de mauvais traitements infligés aux témoins en provenance du Rwanda dont certaines organisations non gouvernementales et autorités rwandaises ont fait écho dans des déclarations publiques".

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Le 13 mars, le gouvernement rwandais avait "jugé utile de préciser et de formuler des propositions sur le contenu de la mission de cette commission mixte" qui avait été décidée lors des entretiens entre Adama Dieng et le ministre rwandais de la justice, Jean de Dieu Mucyo, le 1er mars à Kigali.

Le gouvernement rwandais estimait que la suggestion du greffier ne respectait pas l'esprit de ses entretiens avec le ministre Mucyo.

Ainsi le gouvernement rwandais avait notamment indiqué qu'en plus "d'examiner et de présenter des propositions visant à assurer aux témoins les conditions d'une meilleure prise en charge et d'une meilleure protection de leur intégrité physique et morale à tous les stades de la procédure", la commission devrait examiner et vérifier "les dossiers administratifs des personnes d'origine rwandaise travaillant pour le TPIR et rattachées à Arusha ou à Kigali".

La commission mixte devrait, à cet effet, "faire des propositions sur le recrutement de personnel rwandais au sein du TPIR", estime le gouvernement rwandais.

Dans une déclaration publiée jeudi, le greffier du TPIR, indique qu'il a récemment adressé une lettre au ministre rwandais de la justice dans laquelle il fait remarquer : " d'une part, que le recrutement et l'emploi de personnes au service des Nations unies obéissent à des règles qui ne sauraient souffrir de dérogation spéciale quelconque de nature à violer les textes et réglements en vigueur aux Nations unies et d'autre part, qu'il n'était nullement question d'étendre la mission de la dite commission à des questions qui relèvent exclusivement de la compétence des services du greffe qui oeuvrent en consultation avec le département de la gestion des ressources humaines des Nations unies à New York".

Adama Dieng ajoute : "il n'est pas question pour la commission mixte proposée d'examiner le système de prise en charge et de protection des témoins de la poursuite et de la défense administré par le greffe dans le strict respect des statuts et réglement de procédure et de preuve du Tribunal".

Le greffier regrette par ailleurs que "l'extension envisagée par le gouvernement rwandais du mandat initial de la commission, qu'il avait préalablement défini dans les limites de sa propre compétence et sur la base d'allégations spécifiques faites par certaines organisations non gouvernementales et autorités rwandaises, se traduise par une atteinte aux principes d'indépendance, d'impartialité devant caractériser les actions du greffe du Tribunal".

La création de cette commission conjointe avait été critiquée par l'Association des avocats de la défense exerçant au TPIR (ADAD) et par les accusés eux-mêmes.

Tandis que les accusés avaient dénoncé "énergiquement les dérives politiques et les nouvelles méthodes d'administration du greffier", les avocats lui avaient pour leur part demandé "de résister à cette entreprise qui sape les fondements même d'une justice indépendante et de reconsidérer la question" de la commission mixte.

Les principales associations rwandaises de rescapés du génocide ont quant à elles suspendu depuis quelques mois leur coopération avec le TPIR. "Cette décision restera en vigueur aussi longtemps que le Tribunal ne rectifiera pas les graves errements que nous avons dénoncés, notamment le fait d'employer à divers échelons des individus supçonnés d'avoir trempé dans le génocide, ainsi que le fait de se moquer des témoins et de ne pas s'occuper de leur protection", explique l'une d'entre elles, Ibuka (Souviens toi).

La question de protection des témoins au TPIR a surgi dans le procès du groupe Butare (sud du Rwanda), lorsque des associations rwandaises ont allégué qu'une femme victime de viol avait été "harcelée", lors de son témoignage fin octobre-début novembre 2001.

AT/GF/FH (RW-0329A)