06.07.07 - TPIR/VICTIMES - LE STATUT DE ROME ACCORDE UNE PLACE AUX VICTIMES

 La Haye, 6 juillet 2007 (FH) - Le statut des victimes en tant que partie au procès a été négligé par les Tribunaux pénaux internationaux mais a été consacré par le Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale (CPI). Toutefois cela n’est pas sans poser de difficultés.  

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La place donnée aux victimes devant les tribunaux ad hoc en tant que témoins ne leur permet ni d’être à l’initiative d’une action ou d’être partie au procès, puisqu’elles ne peuvent pas se constituer partie civile, ni demander réparation de leur préjudice. L’intérêt des victimes et celui de la communauté internationale sont défendus indissociablement par le Procureur.   C’est l’utilisation de la procédure anglo-saxonne qui le justifie principalement. Claude Jorda, ancien président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, avait utilisé l’image de la balle de ping-pong pour représenter la victime/témoin prise dans le jeu d’affrontement entre l’Accusation et la Défense.   Le nombre important de victimes lié aux crimes de masse faisant craindre une inéquité dans leur prise en charge, la difficulté de leur venir toutes en aide ou encore la difficulté de prise en compte des intérêts de chacune sont autant de raisons qui ont été invoquées pour justifier l’absence de réparation devant ces juridictions.   Néanmoins, l’article 23 (3) du Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) permet aux juges d’ordonner la restitution des biens et l’article 106 de son Règlement de procédure et de preuve permet aux victimes de se prévaloir d’un jugement de condamnation du TPIR pour demander réparation devant les juridictions nationales compétentes. Toutefois, ceci signifie qu’il faille démarrer une nouvelle procédure avec tout ce que cela implique, ce qui explique sans doute pourquoi les victimes n’y ont jamais eu recours.   Mais grâce à l’expérience des Tribunaux ad hoc et sous l’influence des pays de tradition civiliste signataires du Statut de Rome, la Cour pénale internationale (CPI) a décidé que la victime, dont les intérêts sont en cause, serait dorénavant une partie à part entière au procès.   Elle peut ainsi participer à la procédure dès le début de l’enquête, demander des compléments d’enquête ou encore s’exprimer sur la question de la recevabilité de la plainte et de la compétence de la Cour. D’après une source à la CPI, « le plus innovant est que la victime peut faire des déclarations et a droit à des réparations rapides ».   Le Statut de la CPI a même prévu la création d’un fonds d’indemnisation alimenté par les Etats parties. Cependant la détermination du préjudice n’a pas encore été définie ni les montants des réparations.   La victime n’a pas pour autant le statut de partie civile. Elle ne peut pas saisir la Cour pour engager des poursuites ni produire de preuves. Ce qui est « le plus négatif », c’est « d’exclure les victimes des audiences à huis clos et de leur refuser l’accès aux documents confidentiels produits par les parties devant la Cour » affirmait à la Coalition française pour la Cour pénale internationale (CFCPI), Luc Walleyn, premier représentant de victimes à la CPI dans l’affaire contre l’ex-chef rebelle congolais Thomas Lubanga.   Cependant, la participation des victimes à la procédure peut alourdir la procédure. Jean Flamme, ancien conseil de la Défense dans cette affaire a témoigné devant la CFCPI après sa démission en avril 2007, que la Défense était totalement sous-équipée pour honorer les requêtes et conclusions de l’Accusation et des victimes.   Il a aussi regretté que les victimes puissent participer à des étapes comme la phase préliminaire alors qu’il n’est pas encore question du dommage mais qu’il s’agit de savoir s’il existe suffisamment de charges pour poursuivre l’accusé. Il s’est aussi plaint enfin que les victimes aient le droit de participer en gardant l’anonymat devant la Défense, ce qui réduit considérablement les droits de cette dernière.   Pour Luc Walleyn, bien que la Cour permanente soit clairement « pro victimes », « le Statut de Rome et le Règlement de procédure et de preuve n’ont fourni qu’un squelette pour la participation des victimes aux procédures devant la Cour » et qu’il avait « fallu se battre pour acquérir leur place ».   Les victimes trouvent peut-être davantage leur compte dans le cadre des procès traités devant des juridictions nationales qui exercent leur compétence universelle ou qui poursuivent à la suite d’une procédure de transfert en vertu de l’article 11 bis du Règlement de procédure et de preuve des tribunaux ad hoc.   Des parents de victimes rwandaises se sont constitués partie civile dans des procès en Belgique tels que celui des «quatre de Butare » en 2001, mais bien qu’une condamnation à réparation ait été ordonnée elle n’a toujours pas été honorée faute, semble-t-il, de solvabilité des condamnés. Dans celui du major Bernard Ntuyahaga qui vient de s’achever, les parties civiles qui se sont exprimées ont montré des implications et des motivations diverses.   AV/AT/GF © Agence Hirondelle