MISE EN PLACE D’UN RESEAU DE RECHERCHE DES GENOCIDAIRES FUGITIFS

  La Haye, 31 aout 2007 (FH - RWANDA/GENOCIDE ) -  Deux organisations de défense des droits de l’homme – Redress et African Rights – ont décidé de mettre en place un réseau destiné à traquer les suspects de génocide en exil.  

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Selon Jürgen Schurr, un allemand, coordinateur du projet, les deux organisations se chargeront de localiser les suspects, de collecter des preuves pour les transmettre aux états sur le territoire desquels ces suspects de génocide ont trouvé exil et de militer pour qu’ils soient traduits en justice. L’équipe d’African rights, basée à Kigali recueillera des témoignages alors que Redress les diffusera en Europe.   Financée pour un an par la Fondation genevoise OAK, ce réseau se concentrera dans un premier temps sur cinq pays où résident des communautés rwandaises importantes : la France, la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Royaume Uni. « Si l’abolition de la peine capitale au Rwanda est une étape importante, nous ne nous concentrons pas sur les demandes d’extradition car il y a encore beaucoup de personnes en attente de jugement, mais plutôt sur la fourniture d’éléments de preuve, de témoignages, et la localisation des suspects à l’adresse des pays européens » explique Jürgen Schurr.   L’organisation se basera notamment sur la liste établie par le parquet général de Kigali distribuée aux chancelleries et sur laquelle figurent 93 suspects de génocide en exil à l’étranger, parmi lesquels 37 sont localisés en Europe. Cette liste a été mise par Interpol sur sa basse de données qui regroupe les personnes recherchées. Une liste que l’organisation espère compléter.   Selon Jürgen Schurr, « une centaine de suspects » aurait en réalité trouvé refuge en Europe. « Ce ne sont peut-être pas les plus importants, les planificateurs du génocide qui eux sont jugés par le TPIR, mais ils ont eu assez de moyens pour se réfugier en Europe et comptent sans doute parmi les responsables importants ». « Alors que le TPIR s’apprête à fermer ses portes, il est essentiel d’épauler les pays européens et de les motiver pour engager des poursuites à leur encontre », estime-t-il.   Le coordinateur écarte toute exploitation politique du projet. « Enquêter sur les allégations qui sont émises, notamment dans le climat politique dans lequel cela se met en place, est la meilleur façon d’écarter les allégations fallacieuses. Parler de génocide est une grave accusation et il est donc à notre avis crucial d’enquêter » dit-il.   L’engagement des pays européens dans la poursuite des criminels de guerre est très inégal. A l’avant garde, les Pays-Bas, le Danemark et la Belgique ont mis en place des équipes spéciales chargées d’identifier et poursuivre les éventuels suspects de crimes de guerre. Au Danemark, une brochure invite les candidats à l’immigration à dénoncer les suspects de leur communauté. « Nous essayons d’encourager certains pays à s’engager dans la même voie que celle empruntée par les Pays-Bas ou le Danemark » explique Jürgen Schurr.   En 2002, l’Union européenne a mis sur pied un Réseau de poursuites des auteurs de crimes de guerre. Depuis sa création, il a tenu quatre réunions. En mai 2007, la rencontre était consacrée au Rwanda et se tenait en présence de représentants du TPIR, de l’organisation internationale de police Interpol et du procureur général du Rwanda. Au sein du réseau, procureurs, juges et policiers ont engagé des discussions techniques spécifiques, sur la capacité à obtenir des pièces à conviction lorsque des crimes ont été commis dans des pays lointains ainsi que sur la protection des témoins.   «Pour l’instant, cette initiative européenne n’a pas reçu un grand soutien, ou du moins pas le soutien que nous attendions et c’est aussi la raison d’être de notre projet. De telles enquêtes demandent des moyens financiers importants et les états ont d’autres priorités comme le terrorisme, le crime organisé, les trafics, même s’ils ont signé les conventions internationales sur les crimes de guerre ou la torture. Mais si la poursuite des criminels de guerre ne figure pas dans les priorités des états, les choses évoluent néanmoins progressivement ».   La première initiative étatique de recherche des criminels de guerre vient des britanniques et remonte à la seconde guerre mondiale. Au Canada, terre d’exil traditionnelle, le gouvernement a, depuis 1967, mis en place un tel réseau, qui vise à empêcher « les personnes complices de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité d’entrer sur le territoire canadien » et à prendre « les mesures d’exécution nécessaires contre ceux qui réussissent à entrer au Canada ». Ainsi, le 27 avril 1998, les membres du gouvernement intérimaire au pouvoir entre avril et juillet 1994 au Rwanda étaient déclarés persona non grata au Canada.   SM/PB/GF   © Agence Hirondelle