AUDIENCE A BRUXELLES SUR L'INDEMNISATION DES VICTIMES DE NTUYAHAGA

    Bruxelles, 7 septembre 2007 (FH - BELGIQUE/NTUYAHAGA ) – La Cour d’assises de Bruxelles se prononcera mardi prochain sur l’attribution d’indemnités aux parties civiles présentes au procès de l’ex-major rwandais Bernard Ntuyahaga, condamné le 5 juillet dernier à 20 ans de prison. 

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  Bernard Ntuyahaga a été reconnu coupable de l’assassinat de dix Casques bleus belges à Kigali, le 7 avril 1994, ainsi que des assassinats de plusieurs familles de son quartier de Kyovu et d’un « nombre indéterminé de personnes », selon les termes de l’acte d’accusation, entre le 6 avril et le 6 juin à Kigali.   Lors du premier « procès Rwanda » se déroulant en Belgique, en 2001, la Cour n’avait pas statué sur les intérêts civils. Au procès de 2005, si des indemnités avaient été reconnues, aucune somme n’a encore été versée aux victimes.   Pour décider de l’attribution d’indemnités, la Cour devra d’abord examiner la recevabilité des constitutions de partie civile.               Celles des familles des dix paras belges et des victimes rwandaises identifiées, telles que par exemple la famille d’Emmanuel Nkundabagenzi, ne devraient soulever aucun problème : la seule question concernera le montant de l’indemnité que les juges leur reconnaîtront.   Les familles des soldats de la Mission des Nations unies pour le Rwanda (Minuar), déjà indemnisées dans le cadre d’autres procédures sur le sol belge, n’ont par ailleurs réclamé qu’un euro symbolique.   En revanche, le doute est permis concernant la plupart des « personnes indéterminées et non identifiées » à Kigali, pour l’assassinat desquelles Bernard Ntuyahaga a été condamné par les jurés. De nombreuses parties civiles rwandaises se sont constituées sur cette prévention. Plus de 160 personnes furent representées par 32 avocats à ce procès.   Lors des plaidoiries des avocats sur ce dernier point, le 6 juillet, Me Luc Walleyn, suivi par plusieurs autre conseils, avait estimé nécessaire d’établir un lien de causalité entre deux de ses clients rentrant dans cette catégorie de victimes, et les agissements de Bernard Ntuyahaga.   Une méthode vertement critiquée par d’autres avocats des parties civiles – essentiellement parce que, selon une source proche de ces dossiers, certains d’entre eux n’étaient pas en mesure de démontrer un tel lien pour leurs clients.   Ces derniers, lorsqu’ils justifient de leur constitution de partie civile (ce que peu ont fait à l’audience), estiment que Bernard Ntuyahaga, en tenant un rôle désormais reconnu judiciairement dans la mise en œuvre du génocide à Kigali, a prêté la main à un projet dont le résultat a été de léser leurs clients rescapés du génocide dans cette zone.   Un autre débat s’est également ouvert : sur quelle base calculer les indemnités, le droit belge ou le droit rwandais ? Alors que les avocats se basant sur le droit belge ont parfois demandé plusieurs centaines de milliers d’euros d’indemnités (jusqu’à 500 000 euros), une jurisprudence rwandaise fixe des montants moindre, calculés au taux de change de l’époque des faits : 5 000 000 de francs rwandais pour le décès d’un conjoint (29 796 euros) ou 1 000 000 (5 959 euros) pour celui d’un frère ou d’une sœur, par exemple.   Pour la famille d’Antoine Ntashamaje, défendue par Me Walleyn, l’indemnité demandée pour l’assassinat d’un père, d’une mère, de trois frères et sœurs et pour une tentative d’assassinat est de 14 000 000 de francs rwandais au taux de l’époque des faits, c’est-à-dire 83 430 euros.   Un débat que la jurisprudence éclaire : lors du procès de 2005, où furent jugés deux commerçants de la région de Kibungo, les trois avocats qui ont obtenu des indemnités s’étaient basés sur le droit du Rwanda, lieu des évènements, et avaient pu démontrer un lien de causalité entre leurs clients et le dossier.   La Cour d’assises, qui était alors présidée, comme pour le procès Ntuyahaga, par Karin Gérard, avait ainsi reconnu dans un arrêt du 7 juillet 2005 que 570 000 euros devraient être versés à 15 personnes sur les 63 représentées aux audiences. A ce jour ces décisions sont restées symboliques, bien que des avocats travaillent encore sur les moyens d’obtenir des compensations pour leurs clients.     A la fin du procès de 2001 dit des « Quatre de Butare », des conseils avaient réclamé un report de l’audience sur les intérêts civils afin de pouvoir s’y préparer. Mais aucune date ultérieure n’avait jamais été fixée par la justice.   Le procès de Bernard Ntuyahaga, qui s’est ouvert le 19 avril dernier et a duré 11 semaines, était le troisième en lien avec le génocide rwandais pour lequel la Belgique appliquait sa loi dite de « compétence universelle ».   BF/PB/GF   © Agence Hirondelle