28.09.07 - JUSTICE/EDITION - « JUGER LA GUERRE, JUGER L’HISTOIRE » UN LIVRE-BILAN DE PIERRE HAZAN

  PARIS, 28 septembre 2007 (FH - JUSTICE/EDITION) -  Réconciliation, pardon, histoire, vérité, justice… Dans Juger la guerre, Juger l’histoire paru aux Presses Universitaires de France, Pierre Hazan dresse un croquis du système international initié au début des années 1990.

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  Pour l’auteur, « l’établissement du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (1993) inaugure ce temps fort de la judiciarisation des relations internationales, qui se termine avec les attentats du 11 septembre 2001. » Ancien journaliste au quotidien suisse Le Temps, Pierre Hazan se penche en profondeur sur la justice transitionnelle, les fondements politiques des commissions vérités et leur universalité.    «Unissant le concept de justice à celui de transition, la justice transitionnelle devient l’incarnation du paradigme de la nouvelle ère : la tension entre civilisation et barbarie et sa solution, le processus de métamorphose des sociétés, soit le passage de la dictature à la démocratie.» écrit Hazan. Selon lui elle élabore « des solutions concrètes, établissant un compromis entre idéal de justice et réalisme politique. »   Cette justice, écrit il, « ambitionne de domestiquer la violence par l’arme du droit ». Elle « est devenue quasi prescriptive au nom du rétablissement de la paix, de la démocratie et de la stabilité régionale. »  Mais pour Pierre Hazan, le printemps de la justice transitionnelle s’est effondré avec l’attentat perpétré à New York en septembre 2001, au lendemain de la conférence contre le racisme organisée par les Nations unies à Durban, en Afrique du sud.   L’échec de cette conférence a, selon Pierre Hazan, révélé deux visions du monde, alors que les Nations unies « avaient espéré qu’une gestion des crimes du passé par les mécanisme de justice transitionnelle serait possible ». A Durban, « les gouvernements africains et les radicaux comme Cuba voient dans l’arrivée de l’ANC au pouvoir le triomphe de la révolte d’un peuple face à un système d’exploitation raciste », tandis que « les gouvernements occidentaux mettent, eux, l’accent sur une transition pacifique qui n’a remis en question ni la répartition des richesses, ni le système capitaliste (renforcé, il est vrai, par les lois de discrimination raciale de l’apartheid) qui a généré de telles inégalités.   Les gouvernements occidentaux voient dans l’esprit de la justice restauratrice une vision réformiste de la société qui les rassure. » Dès lors, l’auteur met en garde contre un mauvais usage de la justice traditionnelle, qui serait vue comme une fin et non une étape dans la reconstruction d’après guerre.   Mais les crimes de masse ou les violations des droits de l’homme ne « peuvent être gérés et traités par la science administrative comme des problèmes ponctuels» écrit-il. « Ce réductionnisme technocratique, même s’il séduit des hommes politiques car il leur offre la fausse promesse de ‘tourner la page’ du passé, repose sur une illusion. » Pour l’auteur, « il ne peut y avoir des solutions clefs en mains qui permettent de retisser rapidement les fils brisés d’une société. L’entreprise de reconstruction sociale se calcule en générations » ajoute-t-il.   Posé ce préalable, Hazan estime qu’à travers « la recherche d’un monde ou les criminels de guerre seraient châtiés », la justice traditionnelle « laisse entrevoir un monde désormais apaisé par la domestication de la violence avec le droit, par l’instauration d’une paix juste où les blessures de l’histoire seraient enfin cicatrisées. Elle permet d’espérer une fin de l’histoire. C’est une politique de la pureté, sinon de l’innocence, qui répond en écho aux politiques de purification ethnique ».   L’auteur s’appuie sur son observation des travaux de l’Instance Equité et Réconciliation (IER) conduite au Maroc (2004/2006), la première dans le monde arabo-musulman, pour conclure que l’idée de justice transitionnelle se développe et se métisse « selon la singularité de chaque situation historique » et souligne que « selon ses objectifs politiques, chaque état puise dans son fonds culturel pour mobiliser une symbolique qui légitime des stratégies d’amnistie, s’il y a lieu. »   Les poursuites engagées par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) contre les membres de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) en Ouganda, illustrent selon lui des tensions entre paix et justice, désormais assumées et articulées. Le procureur devient « un des acteurs du conflit » et « dispose désormais des outils pour arbitrer la concurrence dans la recherche de la justice et de la paix : en théorie, il peut à la fois répondre à l’impératif de justice qui est orienté vers la gestion des crimes passés, et à l’impératif de la paix, tourné vers l’avenir avec pour objectif un règlement politique du conflit. »   Instrumentalisée, la justice internationale peut aussi jouer « un rôle stratégique : celui d’éliminer du champ politique ceux qui sont désormais des hors-la-loi. Elle produit des effets concrets : le droit devient la camisole juridique qui permet d’emprisonner ceux qui se mettent hors du champ de la civilisation, littéralement. C’est une vision pénale, sinon policière du monde qui triomphe. Ce n’est guère surprenant, puisque l’occident, et en particulier les Etats-Unis, n’ont jamais été aussi puissants, allant jusqu’à pouvoir se considérer comme ‘les gendarmes du monde’.»   SM/PB/GF   © Agence Hirondelle