03.10.07 - TPIR/KAREMERA - UN TEMOIN RECONNAIT QU'IL MODIFIE SES DECLARATIONS SELON LES PROCES

Arusha, 3 octobre 2007 (FH) - Un témoin à charge a reconnu mercredi qu’il modifiait ses déclarations en fonction des procès dans lesquels il témoigne devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)

2 min 58Temps de lecture approximatif

 Le témoin protégé «AMB» dépose depuis lundi dans le procès dit "Karemera" de trois anciens responsables de l’ex-parti au pouvoir au Rwanda accusés de génocide et de crimes contre l’humanité.

Il avait été entendu une première fois par le TPIR en février 1999 dans le jugement d'Alfred Musema, condamné à la prison à vie en 2000 .

Les deux dépositions diffèrent à bien des égards s’agissant des responsabilités dans les massacres sur les hautes collines de Bisesero dans l’ouest du pays.

« La chambre doit comprendre que vos dépositions varient en fonction des personnes que vous avez à accuser ou pas ?», a demandé à AMB Me Diagne Dior (Sénégal), l’avocate de l’ancien ministre Edouard Karemera, un des accusés.

Edouard Karemera était vice-président du parti au pouvoir au Rwanda en 1994. AMB l’a accusé d’avoir joué un rôle capital dans les attaques contre les Tutsis réfugiés à Bisesero entre avril et juin 1994. Me Diagne Dior a pertinemment relevé que lorsque AMB avait témoigné sur les mêmes faits en 1999, il n’avait même pas fait mention de son client.

«Ma déposition change lorsque certaines personnes sont arrêtées. Je vous dis qu’il y a des gens qui n’ont pas été arrêtés et que nous n’avons pas encore accusé. Je vous dis que ma déposition change au fur et à mesure que les gens sont arrêtés», a répondu le témoin.

AMK a maintenu sa position lorsque l’avocate lui a suggéré que « la vérité est immuable » et qu’elle ne saurait être modelée au gré des humeurs.

« Je peux parler de dix personnes aujourd’hui. Il y a ensuite d’autres personnes dont nous pensions qu’elles étaient décédées et qui réapparaissent. Et lorsqu’elles refont surface, on les charge. Nous allons continuer à le faire jusqu’à ce que ces personnes soient condamnées », a déclaré AMK.

Me Dior lui a fait remarquer que, dans le cas d’espèce, sa logique n’avait pas été respectée car Edouard Karemera a été arrêté au Togo le 5 juin 1998, soit huit mois avant sa première audition devant le TPIR.

AMK avait été cité par le procureur dans le procès de l’ex-directeur de l’usine à thé de Gisovu près de Bisesero, Alfred Musema, condamné à la prison à vie en 2000. En 1999, AMK avait déclaré que les attaques sur Bisesero avaient été dirigées par Musema aidé notamment du préfet et des maires locaux.

« Je ne savais pas que M. Karemera avait été arrêté lorsque j’ai déposé dans l’affaire Musema », a rétorqué le témoin.

Edouard Karemera, qui plaide non coupable, est jugé avec Mathieu Ngirumpatse et Joseph Nzirorera, ses collègues au sein de la direction de l’ex-parti au pouvoir, le Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND)

Ce procès collectif a commencé le 19 septembre 2005. Le procureur devrait clôturer sa preuve en mars 2008 et les débats devraient durer au delà du mandat du TPIR qui s’achève en décembre 2008. Le président de la chambre, Dennis Byron (Saint-Kitts et Nevis), est également président du TPIR. Il est assisté des juges, burkinabé Gberdao Gustave Kam et danois Vagn Joensen.

AT/PB/GF
© Agence Hirondelle