31.10.07 - TPIR/BIKINDI - SIMON BIKINDI A LA BARRE POUR DEFENDRE SES CHANSONS

Arusha, 31 octobre 2007 (FH) – Le chanteur rwandais Simon Bikindi accusé notamment d’avoir, par le biais de ses œuvres, incité à commettre le génocide, a commencé mercredi à témoigner pour sa défense devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).

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L’artiste, 53 ans, est également accusé d’entente en vue de commettre le génocide, de génocide ou de complicité de génocide, d’assassinat et de persécution. Les chansons incriminées sont Twasezereye ingoma ya cyami (Nous avons dit adieu à la monarchie) exécutée pour la première fois en 1987, à l’occasion du 25e anniversaire de l’indépendance, Akabyutso (le Petit réveil) et Impuruza (l’Alerte) composées en 1993. Dans la première chanson, Twasezereye ingoma ya cyami, Bikindi fustige la monarchie renversée en 1959, célèbre la fin du féodalisme et de la colonisation et chante le recouvrement de l’indépendance en 1962. Dans le texte, il parle de Bene Gahutu (Les Fils de Gahutu), ce qui est interprété par l’accusation comme un appel à l’unité des Hutus contre les Tutsis. « En fait, les Hutus ont plus souffert (que les Tutsis) du système de clientélisme » en vigueur sous la monarchie tutsie, a expliqué Bikindi. Dénoncer les mauvaises pratiques de la monarchie féodale n’est pas synonyme de haïr les Tutsis, a-t-il expliqué.   Dans «Akabyutso », il dit sa haine des Hutus cupides, des Hutus à la mémoire courte, des Hutus qui méprisent d’autres Hutus, …   « C’est un cri de révolte, je me révolte contre les miens, contre tout ce monde qui a perdu le sens de la vie », a expliqué Bikindi, précisant que la chanson lui a été inspirée par les nombreux attentats de la période de 1992-1993 au Rwanda.   Le procureur soutient pour sa part que ces Hutus que déteste l’artiste sont ceux qui sont soupçonnés d’être complices des Tutsis. Dans la dernière chanson, Bikindi parle notamment de déchirements au sein des « Fils du Père des Cultivateurs», ce que l’accusation présente encore comme un appel à l’unité des Hutus contre les Tutsis, traditionnellement considérés comme des éleveurs. L’accusé a affirmé que cette œuvre constitue plutôt « un appel au secours ». « Je dis à tous les Rwandais que le pays va vers l’abîme », a –t-il dit, soulignant qu’il appelle notamment à des élections pour mettre fin à la guerre.   Vétu d'un costume traditionnel Bikindi s'est longuement expliqué. Il a également fait remarquer qu’il est également l’auteur de la chanson « Amahoro » composée vers la fin de l’année 1993 et dans laquelle il chante explicitement la paix et dont il a exécuté un extrait devant la chambre. « J’ai besoin de la paix, tu as besoin de la paix, nous avons tous besoin de la paix au Rwanda (…) la paix n’est pas produite par l’industrie », a-t-il chanté, en kinyarwanda.   Au début de sa déposition, il a relaté son parcours, indiquant avoir hérité « l’amour de la musique » de ses parents. Il a évoqué notamment « le talent » de sa mère qui était chanteuse, danseuse et conteuse. Griote, elle était invitée aux fêtes populaires tandis que son père, forgeron, jouait de la cithare rwandaise, en ses moments de loisirs. Evoquant la mort de son associé, un tutsi avec qui il avait lancé la "publicité dynamique" sur Radio Rwanda, assassiné en 1994, il n'a pas caché son émotion.     L’accusé poursuivra son témoignage jeudi. Bikindi comparaît devant une chambre présidée par la juge argentine Inés Weinberg de Roca, assistée de la Camerounaise Florence Rita Arrey et du Tchèque Robert Fremr. La phase accusatoire du procès a été close le 22 février 2007 au terme de la comparution de 20 témoins à charge. Le procès a commencé le 18 septembre 2006. ER/ PB/GF © Agence Hirondelle