15.02.08 - RWANDA/ESPAGNE - L’ENQUETE ESPAGNOLE SUR LES CRIMES COMMIS AU RWANDA CIBLE KAGAME

La Haye, 15 fevrier 2008 (FH) - Les mandats d’arrêt lancés la semaine dernière par la justice espagnole à l’encontre d’officiers rwandais accusés d’avoir commis des atrocités lors de la guerre au Rwanda entre 1990 et 2002 ne visent pas directement le chef de l’Etat car celui-ci bénéficie d’une immunité, apprend on à la lecture de cette ordonnance.

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Cette plainte, qui a abouti le 6 février à la délivrance de 40 mandats d’arrêts à l’encontre d’officiers de l’état-major de l’armée rwandaise, avait été déposée le 22 février 2005. Le juge d’instruction espagnol, Fernando Andreu Merelles, avait alors ouvert une enquête à l’encontre de 69 responsables pour des crimes commis au Rwanda et en république démocratique du Congo (RDC) entre 1990 et 2002.

Dans sa décision du 6 février, le juge estime que les 40 personnes visées ont commis des actes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et terrorisme sur les ordres du président rwandais Paul Kagame. Ce dernier bénéficie de l’immunité des chefs d’état et n’est donc pas l’objet d’un mandat d’arrêt.

Les investigations du juge font suite notamment à l’assassinat de neuf ressortissants espagnols, parmi lesquels un médecin, une infirmière, un photographe et six missionnaires, et dont les proches se sont portés parties civiles. Le juge a cependant agi en vertu de la compétence universelle de la justice internationale. Quelle que soit la nationalité des victimes, l’Espagne peut poursuivre les responsables de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre et reste le seul pays à appliquer cette compétence universelle dans sa conception la plus absolue.

L’Espagne « s’estime compétente pour juger des atteintes graves au droit international indépendamment de tout atteinte directe à ses intérêts nationaux », explique le docteur Valentine Buck, dans l’ouvrage Juridictions nationales et crimes internationaux.

Madrid s’était déjà illustrée avec la saga judiciaire de 502 jours autour du dictateur chilien Augusto Pinochet. En 2005, en se saisissant d’une plainte concernant des crimes commis au Guatemala, elle faisait jouer le principe de subsidiarité : les juridictions du Guatemala ne poursuivant pas les auteurs présumés de crimes graves, l’Espagne s’était saisie de l’affaire suite à une plainte.

Dans l’affaire rwandaise, le juge estime que les crimes commis en 1994 devraient tomber sous la compétence du TPIR et se dit prêt à transmettre son dossier si le procureur devait délivrer une demande de dessaisissement. Au TPIR, un procureur interrogé lors d’un procès a expliqué que cela ne concernait pas le tribunal. Au contraire une procédure inverse a été enclenchée, à la demande de l’Onu, de renvoi des affaires devant des juridictions nationales.

Plusieurs victimes rwandaises se sont portées parties civiles, ainsi que des associations rwandaises en exil : Pro Justitia, aux Pays-Bas, Assistance aux victimes des conflits en Afrique centrale (Avica), en Belgique et l’Organisation pour la paix et la justice au Rwanda, (OPJDR) aux Etats-Unis. L’ex sénatrice démocrate américaine, Cynthia McKinney, qui avait travaillé dans l’administration Clinton, s’est elle aussi portée partie civile et a notamment témoigné devant le juge sur le « pillage » de l’est de la république démocratique du Congo.

Le Forum international pour la vérité et la justice dans l’Afrique des Grands lacs, auquel sont associés différents soutiens à cette plainte, et dont l’un des animateurs est M. Jordi Palou-Loverdos s’est également impliqué.

Trois villes espagnoles soutiennent aussi cette plainte : Figueres, Navata et Manresa, en Catalogne, où vivaient l’infirmière Flors Sierera, de Médecins du Monde, et le père Joaquim Vallmajo, assassinés respectivement en 1994 et 1997.

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