14.03.08 - TPIR/SEROMBA - UN PRETRE CATHOLIQUE DEFINITIVEMENT CONDAMNE POUR LE GENOCIDE RWANDAIS

Arusha 14 mars 2008 (FH) - Le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a définitivement condamné mercredi à la prison à vie un prêtre catholique, Athanase seromba, pour son implication dans le génocide de 1994.

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Deux autres prêtres catholiques, Hormisdas Nsengimana et Emmanuel Rukundo, sont en cours de jugement pour ce dernier génocide du 20ème siècle qui a fait 800.000 victimes selon l’ONU. Après le génocide des voix s’étaient élevées, y compris au sein de l’église catholique à l’extérieur du Rwanda, pour dénoncer la proximité des prêtres avec le pouvoir et les auteurs du génocide.

En effet, de nombreuses églises où, lors des précédents massacres, en 1959 et 1973, les gens s’étaient réfugiés, étaient devenues des pièges où les victimes ont vainement cherché aide et protection.

Envoyé par le pape en juin 1994 pour enquêter sur l’implication de l'église dans le génocide, le cardinal français Roger Etchegaray a récemment évoqué cette mission comme son « chemin de croix ». Rome a toujours affirmé qu’il s’agissait là de «comportements individuels », refusant toute responsabilité institutionnelle.

L’église catholique rwandaise était considérée comme une de meilleures d’Afrique pour le nombre de fidèles et sa ferveur. Elle avait accueilli en 1990 le pape Jean Paul II et les records d’assistance aux messes avaient été battus. Mais elle s'était aussi compromise notamment par les relations privilégiées de certains de ses responsables avec le régime du président Juvénal Habyarimana. Ainsi l'archevêque de Kigali, Mgr Vincent Nsengiyumva, un fils du nord comme Habyarimana, a-t-il été à l'époque du monopartisme parmi les membres du Comité central du Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND), le parti présidentiel. Au lendemain de l’attaque du Front patriotique rwandais (FPR), en octobre 1990, des hymnes religieux ont été composés à la gloire des Forces armées rwandaises (FAR).

Après le génocide les langues se sont déliées, certains prêtres accusant leurs collègues d’avoir été impliqués dans les massacres. Pour autant, soucieuse de préserver son image, la hiérarchie suprême à Rome a protégé certains hommes d’église.

Ainsi, Seromba a été accueilli dans une paroisse de Florence, au nord de l’Italie, où il a officié sous un faux nom avant d’être démasqué par une association de rescapés et poursuivi par la presse. Devant le scandale qui grossissait, Rome a suggéré au prêtre de se rendre. Incarcéré à Arusha le 6 fevrier 2002 il a recu peu avant sa comparution la visite du nonce apostolique en Tanzanie. Lors de son procès l'Eglise catholique ne s'est plus manifestée même si l’aumônier catholique de la prison du TPIR a assisté à la plus grande partie des débats.

Interrogé jeudi par l'agence Hirondelle, M. Methodius Kilaini, un collaborateur de l'archevéque de Dar es Salam, a expliqué qu'une fois cette condamnation définitive, le prêtre pourrait être suspendu par son diocèse puis éventuellement excommunié par le Vatican.

Seul donc, Seromba, assisté de son avocat, Me Patrice Monthe, a tenté de se disculper en plaidant maladroitement sa faible autorité, ce qu’avait semblé admettre la chambre de première instance, avant que les juges d’appel n’en décident autrement mercredi et infligent pour la 11ème fois, la peine maximale, la détention à perpetuite, sur les 35 jugements déja prononcés au TPIR.

Alors que les premiers juges avaient limité la responsabilité de l’homme d’église à « l’aide et encouragement » des crimes de génocide et d’extermination, la chambre d’appel a conclu que Seromba a joué un rôle central dans la mort des Tutsis qui s’étaient réfugiés dans son église de Nyange. Il savait bien, selon l’arrêt, qu’environ 1.500 vies humaines se trouvaient dans l’église mais il a approuvé la décision des autorités administratives locales de la détruire. La chambre a aussi évoqué son refus de celebrer la messe pour les refugiés tutsis qui le lui demandaient

Quatorze ans après les faits, près des ruines de l’église de Nyange, là ou le père Seromba a montré à un chauffeur de bulldozer par quel coté il devait commencer la destruction du bâtiment où 1500 personnes étaient réfugiées, un vaste hangar a été construit où se déroulent les offices dominicaux. Interrogé sur place lors de l’ouverture du procès, en 2004, un diacre a expliqué que l’assistance était encore plus nombreuse qu’avant.

PB/GF
© Agence Hirondelle