Un général de l'armée colombienne à la retraite a reconnu mercredi sa responsabilité dans l'exécution de plus de 100 civils par des soldats sous son commandement, qui présentaient les victimes comme des guérilleros tués au combat.
Bien qu'ayant agi "par omission, j'assume cette responsabilité légale (...) pour que le peuple colombien ne vive plus jamais, plus jamais, ces moments abominables", a déclaré le général Paulino Coronado.
Celui-ci s'exprimait au deuxième jour d'une audience historique devant un tribunal spécial pour la paix et en présence des proches des victimes dans la ville d'Ocana (nord), frontalière avec le Venezuela.
Le général Coronado, 65 ans, à la retraite depuis 2008, est l'officier le plus haut gradé parmi les dix ex-militaires témoignant depuis mardi et demandant pardon pour les exécutions de 120 civils dans le département de Norte de Santander, où se trouve Ocana.
De 2006 à sa retraite, l'officier était un haut gradé de la 30e Brigade, qui opèrait dans cette région, bastion des groupes armés et grande productrice de coca.
Selon les conclusions de la Juridiction spéciale pour la paix (JEP), tribunal né de l'accord de paix de 2016 avec la guérilla marxiste des FARC, des soldats du XVe bataillon d'infanterie d'Ocana ont tué des dizaines de civils pour les présenter comme des rebelles tués au combat.
Selon la JEP, quelque 6.400 civils ont été exécutés ainsi, de "façon systématique" dans plusieurs régions du pays, entre 2002 et 2008, en échange de primes, promotions et autres avantages matériels pour les militaires.
A ce jour, seule une vingtaine de militaires ont reconnu leur responsabilité dans ces crimes, qui constituent le plus grand scandale de l'histoire récente de l'armée colombienne, connu sous le nom de "faux positifs".
Le haut commandement militaire et l'ex-président de droite Alvaro Uribe (2002-2008), alors à la tête du pays, ont toujours démenti une action systématique, parlant de "cas isolés".
Devant les magistrats de la JEP mercredi, M. Coronado a cependant nié avoir ordonné les assassinats dans sa zone de responsabilité, expliquant "ne pas avoir agi avec diligence" dans la surveillance de ses hommes.
Cet oubli ne l'exonère pas de sa responsabilité pour les crimes de guerre et crimes contre l'humanité dont la JEP l'a accusé en 2021, a expliqué le général à l'AFP quelques heures avant de venir à la barre.
"Comment pouvez-vous dire que votre responsabilité est (par) omission si vous avez donné l'ordre à vos soldats (...) et que toute l'armée était consciente de ce qu'ils faisaient?", a interpellé Zoraida Munoz, mère de Jonny Soto, un jeune homme de 22 ans qui rêvait de devenir soldat avant d'être enlevé puis tué par ces mêmes militaires.
M. Coronado est responsable "par son manquement à ses devoirs" pour s'opposer à "l'apparition et du développement du phénomène criminel", a déclaré la juge Catalina Díaz.
Les magistrats fixeront les peines des ex-militaires dans un délai de trois mois, après avoir analysé leurs témoignages et les avoir confrontés aux déclarations des proches des victimes.