16.06.08 - CPI/LUBANGA - LA CPI DANS L'INCAPACITE D'OUVRIR SON PREMIER PROCES

La Haye, 16 juin 2008 (FH) - L'ouverture le 23 juin du premier procès devant le Cour Pénale Internationale, celui de Thomas Lubanga, chef de milice à l'est du Congo, a été reportée en raison du refus des Nations unies de laisser communiquer aux parties des preuves présentées par l'accusation.

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Les juges ont décidé, le 13 juin dernier, de stopper les procédures intentées contre cet ancien chef de l'Union des patriotes congolais (UPC), une milice de l'Ituri, dans l'Est de la république démocratique du Congo (RDC). Une audience devrait se tenir le 24 juin pour débattre de la mise en liberté de l'accusé, incarcéré à La Haye (Pays-Bas) depuis mars 2006 et où il devait être jugé.

Pour les juges de la CPI, le procès ne pourrait pas être « juste » si une partie des pièces en possession du procureur ne sont pas divulguées à la défense ou aux juges. Ces éléments de preuve pourraient avoir un « impact » sur « l'innocence ou la culpabilité » de Thomas Lubanga, estiment les magistrats dont la décision repose sur le refus des Nations unies de lever la confidentialité sur 156 documents remis au procureur. Des pièces sans lesquelles le parquet n'aurait « pas été en mesure d'ouvrir une enquête en république démocratique du Congo » avait estimé le procureur au cour de l'une des audiences préalables au procès. Au cours des dernières audiences, les juges avaient proposé que ces pièces, si elles n'étaient pas transmises à la défense, puissent être portées à la connaissance de la chambre.

Mais New York a maintenu son refus de lever le secret sur ces documents, fournis pour l'essentiel par la Mission des Nations unies au Congo (Monuc). Les magistrats estimaient qu'ils auraient été à même de juger du caractère de ces pièces, qui comporteraient des éléments susceptibles de disculper l'accusé ou d'alléger sa responsabilité. Elles pourraient démontrer que « des enfants ont volontairement rejoint » les forces de Thomas Lubanga, que l'accusé aurait par ailleurs participé à « la démobilisation des enfants soldats » au cours du conflit, ou qu'il aurait été « intoxiqué » ce qui pourrait avoir « altéré sa capacité de contrôle ou de compréhension du caractère illégal de sa conduite ».

Au cours d'une audience tenue le 10 juin, l'un des avocats de Thomas Lubanga, Me Jean-Marie Biju-Duval, avait fustigé les Nations unies. « Les archives des Nations unies devraient être ouvertes à tous, arguait-il. Le véritable scandale n'est pas du coté du procureur, mais du coté des Nations unies qui font obstacle à ce que des informations destinées à la vérité judiciaire parviennent aux juges et à la défense.

"Pourquoi du coté des Nations unies veut-on priver monsieur Lubanga de sa défense ? s'est il interrogé. Qui veut-on protéger ? Quelles sont les puissances, les intérêts qui font dire aux Nations unies : nous ne voulons pas que des éléments soient divulgués à la défense. On ne peut pas faire valoir la raison d'état internationale sur les intérêts de la justice. Il n'y a qu'une seule solution : constater que le procès est impossible ». Les juges ont retenu l'argument.

A moins que les Nations Unies décident finalement de lever la confidentialité sur ces pièces, ou que le procureur fasse appel de la décision, une nouvelle audience devrait se tenir le 24 juin pour débattre de la mise en libération de l'accusé.

SM/PB/GF

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