27.06.08 - CPI/LUBANGA - LE PROCES LUBANGA RESTE DANS L'IMPASSE

La Haye 27 juin 2008 (FH) - Le procès devant la Cour Pénale Internationale (CPI) de Thomas Lubanga, ancien président de l'Union des patriotes congolais (UPC), une milice de l'Est de la république démocratique du Congo (RDC), accusé de crimes de guerre pour avoir enrôlé de force des enfants, est toujours dans l'impasse après l'audience de mardi dernier sur l'éventualité d'une libération de l'accusé, suite à la décision rendue dix jours plus tôt de suspendre les procédures dans cette affaire.

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Alors que ce procès, le premier conduit devant la CPI, devait s'ouvrir le 23 juin, les juges ont suspendu la procédure, faute, pour le procureur, de divulguer des pièces transmises par les Nations unies. New York refuse que soient remis aux juges et à la défense plusieurs documents transmis au procureur sous le sceau de la confidentialité, comme convenu notamment dans plusieurs accords de coopération signés entre le parquet et la Mission des Nations unies au Congo (Monuc).

Outre ces accords, le Statut de la CPI prévoit que des mesures de confidentialités peuvent être décidées, au terme desquelles le procureur « s'engage à ne divulguer à aucun stade de la procédure les documents et renseignements qu'il a obtenus sous la condition qu'ils demeurent confidentiels et ne servent qu'à obtenir de nouveaux éléments de preuve, à moins que celui qui a fourni l'information ne consente à leur divulgation ». Mais le procureur aurait utilisé cette clause de façon abusive, estime-t-on. Par ailleurs, il n'a visiblement pas utilisé les informations contenues dans ces documents pour obtenir d'autres sources des confirmations susceptibles d'être enregistrées comme éléments de preuve au procès.

Les Nations unies n'acceptent de divulguer que sous des conditions très précises, communiquées à la chambre le 23 juin, mais dénoncées par la défense et les parties civiles au cours de l'audience du 24 juin. Dans un courrier signé de Nicolas Michel, sous secrétaire général aux affaires juridiques de l'Onu, les Nations unies proposent que les juges se rendent au Palais de la Paix à La Haye, donc en « territoire onusien », pour prendre connaissance des documents. Ils auraient l'interdiction de prendre des notes, ou d'enregistrer des informations au cours de leur consultation. Par la suite, ils pourraient désigner certaines pièces pour lesquelles le procureur serait invité à faire un résumé. Les juges pourraient ensuite comparer le résumé avec les pièces originales et décider de divulguer ces résumés à la défense.

Au cours de l'audience du 24 juin, Me Catherine Mabille, l'avocate de Thomas Lubanga, a d'emblée précisé que « la défense n'accepterait pas des résumés, qui ne peuvent pas être des éléments de preuve ». « Si vous acceptez, a-t-elle déclaré, cela veut dire que le procureur signe des accords avec les Nations unies, et que l'Onu va dicter aux juges, à la justice, ce qu'elle entend qui soit dit ou qu'il ne soit pas dit. » Les pièces confidentielles contiendraient des preuves susceptibles d'avoir de « l'impact » sur « l'innocence ou la culpabilité » de l'accusé, écrivaient les juges dans leur décision du 13 juin, alors que certaines pièces démontreraient notamment que Thomas Lubanga n'avait pas le plein contrôle sur sa milice, qui auraient été « sous le contrôle de l'Ouganda, du Rwanda et d'autres pays » selon les magistrats.

Pour Me Mabille, le refus de New York soulève d'autres questions. Accepter ces conditions, a-t-elle plaidé, cela reviendrait à accepter « ce que l'Onu veut que nous pensions sur sa perception de la guerre au Congo et en Ituri. L'Onu a été au Congo pendant des années, a-t-elle ajouté, quels intérêts supérieurs est-elle en train de cacher pour que nous n'ayons pas accès aux documents ? » Même consternation du coté des parties civiles. Pour Me Carine Bapita, « les victimes se demandent quelles sont les autorités militaires du pays et des pays voisins qui sont protégées par les Nations unies ? » Mais elle alerte cependant sur les conséquences d'une mise en libération de l'accusé, qui réveillerait les « règlements de compte ». « Les conséquences d'une pareille mise en liberté sur le terrain, chacun de nous y répondra devant l'histoire ! » plaide-t-elle. « Soyez sur qu'il y aura des vengeances, monsieur le président ».

Le statut de Lubanga reste flou. L'Union des patriotes congolais, le mouvement de Lubanga, a félicité les juges de leur décision. Des veillées de prières seraient organisées par ses partisans à Bunia, selon Me Luc Walleyn, avocat d'une autre partie civile. Le parquet a demandé l'autorisation de faire appel de la décision du 13 juin, arguant notamment qu'il ne pouvait être sanctionné si durement pour ses erreurs. Pour maître Mabille, depuis la décision « d'arrêt des poursuites (...) le mandat d'arrêt n'a pas de base légale ».

SM/PB/GF

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