Cette structure, estiment les auteurs d'un rapport remis lundi au ministre francais de la justice serait "un signal fort de la volonté française de lutter contre les crimes internationaux les plus graves".
Cette proposition avait été faite en décembre, par des avocats et des Organisations non-gouvernementales (ONG), relayés en avril par Bernard Kouchner, le ministre francais des affaires étrangères.
"Le traitement de ce type d'affaires exige à l'évidence, au-delà d'une excellente pratique de la procédure pénale une connaissance très approfondie, historique et géopolitique du contexte dans lequel ces crimes ont été commis, que seule la constitution d'une unité de juges d'instruction spécialisée devrait permettre", avait écrit en avril le chef de la diplomatie à son homologue de la Justice, Rachida Dati.
Les juridictions françaises, en vertu de la loi d'adaptation du statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) intégrée dans le code pénal en 1996, ont compétence universelle pour juger des Rwandais soupçonnés de génocide, dès lors qu'ils se trouvent sur le territoire français.
Actuellement, dix procédures judiciaires visant des génocidaires présumées sont instruites par deux juges d'instruction parisiens. Celle contre le prêtre Wenceslas Munyeshyaka date de 1995. L'une des dernière concerne Agathe Habyarimana, la veuve de l'ancien président rwandais dont l'assassinat en avril 1994 est considéré comme l'élément déclencheur du génocide.
D'ici à 2010, le TPIR doit clore les procès. Avant cette date, des procédures pourraient être transférées vers des juridictions françaises. Cependant, des difficultés juridiques existent car celles du TPIR sont instruites sous la forme accusatoire, l'instruction étant faite à l'audience. Elles seraient pourtant jugées en France dans un système inquisitoire, "ce qui suppose un travail spécifique dans le cadre de l'instruction", note le rapport.
"Les juges d'instruction à Paris n'ont pas les moyens de poursuivre les investigations", estime Me William Bourdon, avocat spécialisé dans la défense des droits de l'homme qui demande depuis plusieurs années la création d'une telle structure. "Il faut leur donner les moyens pour enfin que puissent se tenir à Paris devant la cour d'assises, les procès de génocidaires présumés".
Le rapport évoque également l'adaptation en droit français des textes portant sur le statut de la Cour pénale internationale (CPI). De nombreuses associations se sont insurgées contre un amendement voté le 10 juin par le Sénat restreignant la portée de la compétence universelle des juridictions françaises. Il prévoit que celles-ci pourront juger des personnes étrangères résidant habituellement en France, et non plus de passage, qui auraient commis des crimes relevant de la compétence de la CPI dans le cas où celle-ci aurait décliné sa compétence.
"Si cet amendement était entériné par l'Assemblée nationale, la France deviendrait l'un des rares pays à permettre aux criminels contre l'humanité, criminels de guerre et responsables de génocide de circuler en toute liberté sur son territoire", s'étaient indignés le 12 juin l'association Survie et le Collectif des parties civiles pour le Rwanda. Par ailleurs, le texte adopté par le Sénat prévoit que seul le parquet puisse engager des poursuites et non plus les victimes ou associations de victimes.
"L'outil de compétence universelle reste un outil indispensable pour juger les crimes internationaux", assure William Bourdon qui souligne que ce sont les associations ou ONG qui depuis 15 ans sont à l'initiative de poursuites à l'encontre de génocidaires présumés. "Le pôle spécialisé, c'est bien. Mais les engagements internationaux de la France risquent de rester lettre morte si on laisse au parquet le monopole des poursuites".
La Suède, les Pays-Bas ou la Norvège ont constitué des unités spécifiques de procureurs et policiers pour enquêter sur ces infractions.
AP/PB/GF
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