23.09.08 - TPIR/SETAKO - UN TEMOIN PLACE SETAKO A L'AVANT-GARDE DE LA CAMPAGNE GENOCIDAIRE

Arusha, 23 septembre 2008 (FH) - Le lieutenant-colonel Ephrem Setako, en procès devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) se serait hissé, dès 1992, à l'avant-garde de la campagne visant à exterminer les Tutsis dans sa commune natale de Nkuli, selon un témoin cité mardi par le procureur.

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Accusé de crimes de génocide et de crimes contre l'humanité, l'officier plaide non coupable.

Désigné par le nom de code SSB et séparé du public par un rideau opaque, le « témoin protégé » a placé l'ancien directeur des Affaires juridiques au ministère de la Défense au centre de trois réunions publiques « incendiaires» tenues avant le génocide dans cette commune du nord du Rwanda. Selon SSB, la première réunion a eu lieu dans les premiers mois de l'année 1992 aux environs du bureau communal de Nkuli.

« Setako a dit que les jeunes qui le voulaient allaient recevoir des armes et bénéficier d'un entraînement militaire, en vue de combattre les Inyenzi-Inkotanyi. On nous expliquait à l'école que les Inyenzi étaient les Tutsis et les opposants au MRND » (Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement) du président Juvénal Habyarimana.

Le terme Inyenzi se traduit en français par « cancrelat » tandis que Inkotanyi, le nom rwandais de l'ancienne rébellion du Front patriotique rwandais (FPR, actuellement au pouvoir) évoque la bravoure sur le champ de bataille.

« Quelques jours après cette réunion, des personnes accusées d'être des complices des Inkotanyi ont été arrêtées ; certaines d'entre elles sont encore en vie, d'autres ne sont jamais revenues », a affirmé le témoin qui fréquentait alors l'école primaire.

Aux côtés de Setako, se trouvaient, selon cette déposition, Juvénal Kajelijeli, alors maire de la commune voisine de Mukingo, et Joseph Nzirorera, un des poids lourds du régime Habyarimana.

Kajelijeli a été condamné à la prison à vie tandis que Nzirorera, secrétaire général du MRND pendant le génocide, est encore en procès devant le TPIR.

SSB a témoigné avoir revu ce trio en 1993, « pendant la saison des pluies, (...) vers la moisson des pommes de terre », la principale source de revenus pour les paysans de Nkuli et Mukingo. Cette saison couvre, dans cette région située au pied de la chaîne des volcans, les mois de mars à mai.

Après avoir été présenté à la foule, à la fois comme « un hôte de marque et un fils de l'endroit », Setako a promis des armes aux jeunes, a raconté SSB, en soulignant qu'une nouvelle fois, le discours très ovationné de l'officier a été suivi par des arrestations de complices présumés du FPR.

Toujours selon le témoignage, l'accusé a tenu « en 1994, avant la mort (le 6 avril) du président (Habyarimana), un autre meeting de la même veine, suivi des mêmes effets. SSB a indiqué y avoir noté, devant une foule de près de 6.000 personnes, tout yeux et tout oreilles, la présence, en plus du trio habituel, du colonel Théoneste Bagosora, présenté par le procureur du TPIR comme « le cerveau » du génocide. « Je ne me rappelle pas que Bagosora ait pris la parole », a précisé le témoin.

Avant que la chambre n'ordonne le huis clos pour la suite de la déposition, SSB a ajouté avoir revu Setako pendant le génocide, lors de nombreux passages de l'officier au barrage routier qui avait été érigé à l'entrée du bureau communal de Nkuli.

Le témoin qui était conduit en interrogatoire principal par l'équipe du procureur, devra, pendant la semaine, être confronté aux questions de la défense menée par Me Lennox Hinds, l'ancien avocat de Kajelijeli.

ER/GF

© Agence Hirondelle