Il sera confronté à Francois Bugingo, un journaliste canadien qui a couvert le génocide rwandais (800.000 morts selon l'ONU) à partir du 5 mai 1994. Né à Kisangani d'un père rwandais refugié au Zaïre, Bugingo qui est vice-président de Reporters sans frontière (RSF) n'a eu de cesse de blâmer depuis la MINUAR (Mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda, dirigée par M. Dallaire) pour n'avoir jamais enfreint les règles d'engagement de l'ONU, qui ne permettaient de recourir à la force qu'en cas de légitime défense.
« À l'époque, tout les observateurs présents au Rwanda comprenaient le rôle de la Radio Mille collines: elle diffusait dans les campagnes des messages d'incitation au massacre. (...) À chaque fois qu'on demande à Dallaire: "Mais pourquoi vous ne l'avez pas faite bombarder, même par accident ?", il répond: "Je n'en n'avais pas l'ordre" », a expliqué Bugingo à l'agence Hirondelle il y a un an, avant que M. Dallaire ne vienne témoigner au procès de Désiré Munyaneza, un Rwandais jugé à Montréal pour sa participation présumée au génocide.
Selon lui, l'officier canadien « a préféré sacrifier des Rwandais plutôt que risquer de passer devant la cour martiale...»
L'ancien commandant de la MINUAR, qui a souffert d'une grave dépression à la suite du génocide, est devenu une icône dans son pays et a été nommé sénateur en 2005. Il a souvent répété qu'il avait eu le sentiment d'avoir été « abandonné » par la communauté internationale, tant le Rwanda ne revêtait qu'un faible intérêt géostratégique.
Le général trois étoiles estime notamment que les médias n'ont pas suffisamment alertés le monde de ce qui se déroulait au pays des milles collines. Lors d'un colloque déja organisé à Montréal en 1994 il avait déja développé cette thèse alors que plusieurs journalistes presents lors des faits lui avaient expliqué le contraire.
«Mes soldats ont mis leur vie en danger pour accompagner des journalistes et faire sortir des histoires. Pourtant, ça ne voulait pas dire que ça allait passer à la radio ou à la télévision ailleurs dans le monde. Les faits n'étaient pas toujours relayés», déclarait-il récemment au journal Forum, hebdomadaire officiel de l'Université de Montréal.
Sur le terrain de la critique des médias, M. Bubingo rejoint en partie la position de Roméo Dallaire. «Pourquoi n'est-on pas encore capable de renverser la machine [médiatique] et faire en sorte que se règlent certains conflits, s'est interogé recemment le journaliste dans le journal Forum. À quoi ça sert de savoir tout ça? A-t-on vraiment appris de nos erreurs? »
CS/PB/GF
© Agence Hirondelle