13.11.08 - RWANDA/FRANCE - L'ARRESTATION DE KABUYE RELANCE L'ENQUETE SUR L'AVION

Paris, 13 novembre 2008 (FH) - L'enquête française sur l'attentat contre le président rwandais Juvénal Habyarimana a pris un tour nouveau avec l'arrestation en Allemagne de Rose Kabuye, responsable du protocole du chef de l'Etat, Paul Kagame, ce dernier menaçant de poursuivre des politiques et militaires français accusés par Kigali d'avoir participé au génocide.

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Rose Kabuye, 47 ans, chef du protocole à la présidence rwandaise, ancien major de l'APR, fait partie des neuf Rwandais contre lesquels le juge antiterroriste français, Jean-Louis Bruguière, a émis des mandats d'arrêt en novembre 2006. Le magistrat français les accuse d'avoir organisé, sur ordre de Paul Kagame, l'assassinat, le 6 avril 1994, de Juvénal Habyarimana, ce que les concernés ont toujours nié.

Mme Kabuye qui se trouve actuellement détenue à la prison pour femmes de Francfort, a donné son accord pour être remise aux autorités judiciaires françaises, ce qui devrait intervenir d'ici quelques jours. Une fois à Paris, elle sera présentée aux successeurs du juge Bruguière et se verra notifier sa mise en examen dans cette enquête ouverte en 1998 pour "assassinat et complicité d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste". La justice lui reprochant notamment d'avoir hébergé le commando avant l'attentat dans les locaux du CND où étaient cantonnés les soldats de l'APR (Armée populaire Rwandaise - bras armé de la rebellion qui a pris le pouvoir à Kigali).

Se posera ensuite la question de son placement en détention provisoire. La justice française est compétente dans ce dossier, car l'équipage de l'avion présidentiel abattu par un missile au-dessus de Kigali, était Français.

La mise en examen de Mme Kabuye va permettre à Kigali de prendre connaissance de ce dossier judiciaire qui empoisonne les rapports entre les deux pays, le Rwanda ayant rompu ses relations diplomatiques avec la France après l'émission des mandats d'arrêt. Après son interpellation dimanche à Francfort, l'un de ses avocats, Me Lev Forster, a fait savoir après qu'elle souhaitait être entendue par les juges.

Depuis mai 2007, outre Mme Kabuye, deux autres personnes recherchées par la France, Samuel Kanyemera, dit Sam Kaka, général, député du Front patriotique rwandais (FPR), et Jacob Tumwine, homme d'affaires et lieutenant-colonel de réserve, ont demandé aux juges, par le truchement de Me Forster et de son confrère belge Bernard Maingain, de pouvoir être entendus au Rwanda sans être mis en examen, ainsi qu'un certain nombre d'auditions de témoins. Ce que les juges ont refusé, car la procédure pénale française n'autorise pas l'avocat d'une personne visée par un mandat d'arrêt à prendre connaissance du dossier d'instruction tant que celle-ci n'a pas été arrêtée.

En septembre, les deux avocats ont critiqué une instruction menée à charge, expliquant qu'ils attendaient la transmission du dossier devant une cour d'assises pour représenter leur clients et "faire en sorte qu'une instruction complète soit effectuée à ce moment-là". Cette semaine, Me Forster a indiqué que sa cliente souhaitait s'expliquer devant les juges français, assurant qu'elle n'avait rien à se reprocher dans cet attentat.

L'un des avocats d'une des famille de pilotes français a estimé que les autorités rwandaises ont sacrifié le "fusible" Rose Kabuye afin de prendre connaissance du dossier, auquel elles n'avaient pas accès. "Tout ça était probablement très bien orchestré", a-t-il dit, déplorant que l'issue de l'enquête soit repoussée "sine die".

Cette arrestation relance l'enquête que les deux juges français, Marc Trévidic et Philippe Coirre, s'apprêtaient à clôturer ainsi qu'ils l'avaient annoncé récemment aux parties civiles.

AS/PB/GF

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