Centrafrique : un groupe armé jette un froid sur l'accord de paix

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Un des principaux groupes armés opérant en Centrafrique a jeté dimanche soir un froid sur l'accord de paix signé début février, respecté jusqu'alors, en accusant Bangui de ne pas respecter "ses engagements".

Alors qu'était prévue dans l'accord, signé le 6 février entre Bangui et 14 groupes armés, la formation d'un "gouvernement inclusif", le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC) a estimé que celui formé dimanche après-midi ne l'était pas assez.

"En jouant au +on reprend les mêmes et on recommence+, le président de la République (...) vient d'étouffer dans l'oeuf l'espoir" mis par le peuple centrafricain dans l'accord de paix de Khartoum, a déclaré Noureddine Adam, le chef du groupe, dans un communiqué transmis dimanche soir à l'AFP.

Dans le nouveau gouvernement formé dimanche et dont la composition a été annoncée sur les ondes de la radio nationale en Centrafrique, aucun des ministères régaliens n'a changé de titulaire.

Ainsi, les ministres de la Défense, de l'Intérieur, des Affaires étrangères, de l'Economie, des Finances, notamment, ont été reconduits.

Un représentant du FPRC a été nommé au Développement de l'Energie et des Ressources hydrauliques.

Les autorités "font preuve de mauvaise foi, d'amateurisme et d'incompétence", a accusé le groupe, soulignant qu'il ne "participera pas à ce gouvernement de mascarade".

Le groupe armé n'a pas précisé s'il se retirait totalement de l'accord de paix ou non.

Il n'a ainsi pas précisé si ses représentants siègeraient ou non à la "commission inclusive" prévue dans l'accord pour "qualifier et proposer toute action susceptible d'être prise en matière de justice".

Celle-ci doit précéder le travail d'une Commission vérité, justice, réparation et réconciliation (CRVJRR), qui doit être formée sous trois mois.

- "Incidents" -

Depuis la signature de l'accord, quelques incidents armés ont eu lieu en Centrafrique, mais aucun combat de grande ampleur n'a été observé.

Issu de l'ex-coalition de la Séléka, qui avait pris Bangui en 2013, renversant le président François Bozizé, le FPRC a depuis lors la main sur une large partie du nord du pays.

Allié à d'autres groupes armés issus de la Séléka et à un groupe armé antibalaka (milices autoproclamées d'autodéfense), le groupe armé était l'un des interlocuteurs majeurs de Bangui au moment des négociations de l'accord de paix de Khartoum.

"Il y aura peut-être des incidents, des difficultés, des tentatives de recul, mais est-ce que cela voudra dire que l'accord est obsolète ? Non !", avait martelé fin février le ministre de la Communication, Ange-Maxime Kazagui, face à des journalistes sceptiques en conférence de presse.

D'autres groupes armés ont vu certains de leurs représentants nommés à des postes ministériels. Ceux-là n'avaient pas officiellement réagi dimanche soir.

Les groupes armés, qui réclamaient à l'origine un Premier ministre issu de leurs rangs, n'ont pas eu gain de cause et espéraient des portefeuilles d'importance, selon des sources concordantes.

L'ancien directeur de cabinet du président Faustin Archange Touadéra, Firmin Ngrebada, a été nommé à la tête du gouvernement.

Passant pour être très proche du président -il était aussi son directeur de cabinet quand celui-ci était Premier ministre sous Bozizé-, il est considéré à Bangui comme l'un des principaux artisans du rapprochement centrafrico-russe de ces derniers mois.

C'est aussi lui qui menait les négociations à Khartoum pour cet accord de paix, le huitième depuis le début de la crise en 2013.

A l'époque, la marche de la Séléka sur Bangui avait déclenché une riposte des milices antibalaka, plongeant le pays dans un chaos dont il n'est toujours pas sorti.

En Centrafrique, aucun des accords de paix n'a abouti, pas plus que la Mission de l'ONU en Centrafrique (Minusca), déployée en 2014 mais qui n'arrive guère à rétablir la paix.

Elle avait remplacé un déploiement français, Sangaris, et doit à terme laisser la place à l'armée centrafricaine, décimée mais qui bénéficie de nombreux soutiens à sa reconstruction.

Riche en ressources naturelles, la Centrafrique est déchirée par la guerre : près d'un quart de ses habitants ont dû fuir de chez eux et les combats sont quotidiens dans les provinces contrôlées à 80% par les groupes armés.