Ramush Haradinaj, le Premier ministre du Kosovo démissionnaire à deux reprises

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Héros chez lui mais considéré comme un criminel de guerre à Belgrade : Ramush Haradinaj, le "Rambo" du Kosovo, convoqué par la justice internationale pour crimes de guerre, a pour la deuxième fois démissionné de son poste de Premier ministre.

Son inculpation par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) l'avait conduit à abandonner le poste de Premier ministre occupé une centaine de jours en 2004-05.

En 2008 et 2012, le TPIY l'avait acquitté de crimes contre des civils serbes, mais aussi roms et kosovars albanais coupables de s'opposer à la guerilla indépendantiste kosovare (UCK), dont il était un des commandants emblématiques.

Promis à un rôle anecdotique, marginalisé par son ancien compagnon d'armes Hashim Thaçi, il a fait son retour en Une quand, le 4 janvier 2017, la police française l'arrête à l'aéroport de Bâle-Mulhouse, en vertu d'un mandat d'arrêt de la justice serbe délivré en 2004.

La justice française le retient alors plusieurs mois jusqu'au rejet de la demande serbe, en avril. Une épreuve, mais aussi un coup de pouce à sa popularité avant les législatives de juin 2017.

Ramush Haradinaj, avant de devenir pour le deuxième fois Premier ministre, s'opposait à des négociations de normalisation avec la Serbie sous égide de l'Union européenne, avant de finalement les accepter.

Mais celles-ci sont au point mort depuis des mois. La Serbie refuse de poursuivre ce dialogue, qui se déroule sous l'égide de l'UE, tant que le Kosovo ne lèvera pas les taxes de 100% sur les produits importés de Serbie, introduites en novembre par Pristina.

Ramush Haradinaj, défiant les appels de la communauté internationale, a insisté qu'il entendait les maintenir tant que la Serbie n'aura pas reconnu le Kosovo.

Belgrade, qui ne reconnaît pas l'indépendance de son ancienne province albanophone, pense pis que pendre de Ramush Haradinaj, l'accusant d'atrocités durant la guerre du Kosovo (1998-99).

Dernier des conflits qui ont déchiré l'ex-Yougoslavie, la guerre au Kosovo (1998-99, 13.000 morts) s'est achevée par les bombardements de l'OTAN sur la Serbie et la séparation de cette province majoritairement peuplée d'Albanais mais considérée par Belgrade comme le berceau historique des Serbes. Haradinaj en fut un acteur majeur.

- "Les Aigles noirs" -

L'ancien chef rebelle, athlète au cheveu ras et à la mâchoire carrée de 51 ans, est né à Glodjane, dans l'ouest du Kosovo.

Cet homme qui a effectué son service militaire dans l'armée yougoslave puis fut membre de la Légion étrangère française, a commencé tôt sa guerre : après son retour clandestin de Suisse où il fut ouvrier du bâtiment, videur de boîte de nuit ou encore entraîneur d'arts martiaux, il crée en 1997 avec ses frères un groupe qui attaquait des policiers serbes.

Quand le conflit éclate, il fonde les "Aigles noirs", unité intégrée à l'UCK et que Belgrade accuse d'avoir torturé et tué des dizaines de civils. Les "Aigles noirs" contrôlaient une zone montagneuse proche de l'Albanie et ont joué un rôle central dans l'approvisionnement en armes des rebelles.

Son opposition à Belgrade est viscérale. Dès 1989, à Pristina, il participe à des manifestations contre le pouvoir central yougoslave. Durant la guerre, il a perdu un frère.

Après sa libération par le TPIY en 2012, il revient sur la scène politique avec une ligne de conduite constante : le refus de toute normalisation avec la Serbie. Cela le conduit dans une opposition vigoureuse au président Hashim Thaçi, qui choisit le dialogue.

- "Haradinaj est le Kosovo" -

Ce père de trois enfants marié à une présentatrice de télévision, tire de cette intransigeance une grande popularité. Une foule en liesse l'avait accueilli à Pristina après son acquittement.

"Haradinaj doit être jugé en Serbie, personne ne doit penser que nous oublierons ce qui s'est produit", avait déclaré en 2017 le ministre serbe chargé du Kosovo Marko Djuric.

La procureure du TPIY Carla Del Ponte n'avait guère été plus clémente, le décrivant comme un "gangster en uniforme".