Darfour: enquête au Soudan contre Béchir et 50 responsables

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Une enquête sur les crimes commis au Darfour a été ouverte au Soudan contre Omar el-Béchir, président déchu visé de longue date par de graves accusations de la Cour pénale internationale (CPI) sur ce conflit sanglant et 50 autres anciens dirigeants du régime.

"Nous avons débuté une enquête sur les crimes commis au Darfour à partir de 2003", a déclaré dimanche le procureur général Tagelsir El-Heber, qui s'exprimait devant la presse à Khartoum.

"Cinquante-et-un membre de l'ancien régime, y compris Omar el-Béchir et Ahmed Haroun (ancien ministre et gouverneur poursuivi par la CPI) seront l'objet d'une enquête", a-t-il précisé en annonçant cette première enquête depuis la destitution le 11 avril du président soudanais à l'issue de 30 ans d'un régime autoritaire.

"Merci au procureur général, mais c'est trop tard", a réagi dimanche Yacoub Mohamed, l'un des responsables de l'immense camp de déplacés de Kalma, dans l'Etat du Darfour-Sud.

-"Preuves disparues"-

"Ca fait 17 ans maintenant (...) les preuves ont disparu", a-t-il déploré avant de demander à ce que les responsables des crimes soient traduits devant la CPI, car, a-t-il dit à l'AFP, "il n'y a aucune mention de ces crimes dans le droit soudanais".

Omar el-Béchir fait l'objet de deux mandats d'arrêt internationaux émis en 2009 et 2010 par la CPI pour "génocide", "crimes contre l'humanité" et "crimes de guerre", dans le cadre du conflit au Darfour, région de l'ouest du Soudan où la guerre avec des rebelles a fait 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés, selon l'ONU.

Malgré les nombreux appels à son extradition, l'ex-dictateur n'a jamais été renvoyé devant le tribunal de La Haye, où siège la CPI.

Toutefois, M. el-Heber a semblé laissé la porte ouverte dimanche à un jugement devant la CPI en indiquant, sans autre précision, que les personnes visées par l'enquête pourront être traduites en justice "en n'importe quel endroit".

Arrivé au pouvoir après un coup d'Etat en 1989, M. Béchir a été renversé par l'armée, après plusieurs mois d'un mouvement de contestation contre son régime qui a fait des dizaines de morts.

A la suite d'un accord conclu en août entre l'armée et la contestation, le pays est à ce jour dirigé par un gouvernement de transition, avec un Premier ministre civil et un Conseil souverain composé de civils et de militaires.

Ce conseil est chargé de conduire le processus durant trois ans, avec des élections libres à la clé.

L'enquête soudanaise a été annoncée dimanche alors que le nouveau gouvernement a promis de pacifier les régions en conflit, dont le Darfour.

Une procédure soudanaise sur le Darfour avait été ordonnée en juin 2005 par le régime de M. Béchir, en réponse à l'enquête confiée à la CPI par le Conseil de sécurité de l'ONU pour enquêter sur les crimes commis dans la région.

Mi-décembre, l'ex président Béchir a été condamné par un tribunal de Khartoum à deux ans dans une institution correctionnelle, pour "corruption". Il pourrait avoir à répondre d'autres accusations devant la justice de son pays: il est notamment sous le coup d'un mandat d'arrêt pour son rôle dans le coup d'Etat de 1989.

- Procédure contre Salah Gosh -

Dimanche, devant la presse, le procureur général a par ailleurs indiqué qu'une autre procédure avait été lancée contre Salah Gosh, l'ancien responsable des services de sécurité sous le régime de M. Béchir.

"Il y a quatre dossiers visant Salah Gosh et nous avons lancé une procédure pour le ramener (au Soudan) via Interpol", a déclaré le magistrat.

Salah Gosh, à la tête du redouté NISS, avait démissionné en avril, deux jours après le renversement d'Omar el-Béchir. Il se trouverait actuellement hors du Soudan.

Mercredi, à la veille du premier anniversaire du soulèvement, des organisations de défense des droits humains avaient appelé les autorités de transition soudanaises à mettre un terme au "règne de l'impunité" en traduisant en justice les responsables des crimes commis au Darfour.

Dans un rapport intitulé "Darfour, le règne de l'impunité doit cesser", la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) et d'autres ONG fustigeaient le "manque de volonté politique nationale et régionale".