Le président kosovar accuse la justice internationale de "réécrire l'Histoire"

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Le président kosovar Hashim Thaçi a accusé vendredi la justice internationale de "réécrire l'Histoire" après sa mise en accusation à La Haye par les procureurs spéciaux qui lui reprochent des crimes de guerre commis pendant le conflit avec la Serbie.

Le chef de l'Etat a annoncé sur Facebook être arrivé en avion à Tirana sur le chemin du retour au Kosovo, après un sommet avorté avec Belgrade à la Maison Blanche.

S'il n'a pas commenté pour l'heure sa mise en accusation, il a d'ores et déjà actualisé son profil : "Personne ne peut réécrire l'Histoire du Kosovo".

Hashim Thaçi, 52 ans, est l'ancien commandant politique de la guérilla indépendantiste albanaise kosovare (UCK) qui déclencha la rébellion contre Belgrade voici plus de vingt ans. Le Kosovo était toujours alors la province méridionale de la Serbie.

Il a été mis en accusation mercredi avec d'autres par les procureurs du tribunal spécial de La Haye pour une série de crimes relatifs à la guerre de 1998-99.

Ces crimes présumés "impliquent des centaines de victimes connues d'origine albanaise, serbe et rom et d'autres origines et comprennent des opposants politiques".

Un juge doit encore valider ou non l'acte d'accusation qui évoque des chefs de meurtre, de disparitions forcées, de persécutions et de tortures.

- Guerre "juste"-

Dans un message sur Facebook à ses "soeurs, frères et merveilleux amis", Hashim Thaçi a promis de "s'adresser à (eux) dimanche soir de son bureau". On ignore s'il va rester en Albanie jusqu'à la fin du week-end.

En attendant, au Kosovo, ses partisans comme ses contempteurs disent que la guerre a été une cause "juste" annonciatrice de l'indépendance. Celle-ci a été proclamée en 2008 mais n'est toujours pas reconnue par la Serbie.

Le tribunal spécial, une instance de droit kosovar mais qui est composé de juges internationaux, est "injuste", s'insurge Qazim Fazlia, un retraité de Pristina, la capitale. "Nous savons que c'est la Serbie qui a commis des crimes au Kosovo".

Le parti de gauche Vetevendosje, pourtant très hostile au président, a également estimé que la rébellion avait livré une guerre "pure".

- "Responsabilité personnelle" -

"Les premières réactions à la mise en accusation sont émotionnelles" mais ont l'effet inverse de celui escompté, donnant l'impression d'"une possible culpabilité de l'UCK dans son ensemble", estime Veton Surroi, l'ancien représentant du Kosovo aux pourparlers avec la Serbie au point mort depuis un an et demi. Or l'acte d'accusation "relève de la responsabilité personnelle".

Le conflit avait fait 13.000 morts, pour la plupart des Albanais. Il a pris fin avec une campagne de bombardements de l'Otan emmenée par les Etats-Unis.

Une dizaine de hauts responsables de l'armée et de la police serbes furent par la suite condamnés pour crimes de guerre par la justice internationale au cours de ce conflit pendant lequel des milliers de civils albanais ont été tués, torturés ou déplacés.

Mais la guérilla kosovare est également accusée d'atrocités contre des Serbes, des Roms et des opposants albanais pendant et après la guerre.

La mise en accusation d'Hashim Thaçi a été annoncée au moment où il devait se rendre à Washington pour un sommet samedi avec la Serbie.

Cette rencontre est tombée à l'eau, ce qui replace sous les projecteurs le dialogue de normalisation entre les deux anciens ennemis entamé voici une décennie sous l'égide de l'Union européenne.

A Bruxelles, où il se trouvait pour rencontrer les responsables européens, le président serbe Aleksandar Vucic a qualifié de "bonne nouvelle" la décision des procureurs spéciaux. Mais il a appelé à la "retenue" pour ne pas attiser d'éventuelles tensions dont serait victime la minorité serbe du Kosovo. Il faut "essayer de parler de thèmes vitaux et chercher des compromis avec les Albanais", a-t-il dit à la presse.

Selon l'émissaire européen chargé des pourparlers, le dialogue gelé depuis depuis fin 2018 pourrait reprendre en juillet. L'ambassade de France au Kosovo a fait savoir que le président français Emmanuel Macron était toujours disposé à organiser à Paris, en coordination avec l'Allemagne, un sommet pour favoriser la reprise des discussions.

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