Présidentielle en Côte d'Ivoire: l'opposition en colère contre le Conseil constitutionnel

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L'opposition ivoirienne a vivement critiqué mardi le Conseil constitutionnel, qui a validé la veille la candidature controversée du président Alassane Ouattara à un troisième mandat et rejeté 40 des 44 candidatures déposées, dont celles de l'ancien chef d'Etat Laurent Gbagbo et de l'ex-chef rebelle et ancien Premier ministre Guillaume Soro.

Elu en 2010, réélu en 2015, M. Ouattara avait initialement annoncé en mars sa décision de renoncer à briguer un troisième mandat. Avant de changer d'avis en août, après le décès soudain d'un infarctus de son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, qu'il avait désigné comme son dauphin.

L'annonce de cette candidature avait provoqué des affrontements, notamment communautaires, qui avaient fait une quinzaine de morts en août.

Mardi, à Bonoua (sud-est), ville de l'ex-première dame Simone Gbagbo, 300 personnes ont manifesté pour protester contre "l'éligibilité" de M. Ouattara, érigeant des barricades pour bloquer la circulation sur une route reliant Abidjan au Ghana, avant d'être délogés par la gendarmerie, selon des habitants joints par l'AFP.

A Guiglo, Bangolo, Facobly et Duékoué, les principales villes de l'ouest ivoirien, plusieurs centaines de personnes ont également manifesté, exigeant "le retour de l'ex-président Laurent Gbagbo" a expliqué à l'AFP Thédore Sonzaï, responsable de la jeunesse de l'opposition dans la région du Guémon.

Les autorités ivoiriennes ont prorogé mardi "jusqu'au 30 septembre la mesure de suspension des marches et sit-in sur toute l'étendue du territoire".

- Condamnations judiciaires -

Lundi le Conseil a estimé qu'avec la nouvelle Constitution de 2016, le pays était entré dans une nouvelle République et donc que le compteur des mandats était remis à zéro, même si la nouveau texte, comme le précédent, limite à deux le nombre de mandats présidentiels.

La crainte de violences meurtrières à l'approche du scrutin du 31 octobre est forte, dix ans après la crise née de la présidentielle de 2010, qui avait fait 3.000 morts après le refus du président Laurent Gbagbo de reconnaitre sa défaite électorale face à Alassane Ouattara.

Un ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo, Pascal Affi N'Guessan, dont la candidature a été validée, a condamné l'exclusion de son ancien mentor comme la "manifestation la plus aboutie du caractère tyrannique du régime".

"Le Conseil Constitutionnel a raté l'occasion historique de marquer son indépendance: en acceptant la candidature du président sortant, manifestement inéligible, en refusant celles du président Laurent Gbagbo et de Guillaume Soro, privés de leurs droits civiques pour de purs motifs d'opportunité politique", a-t-il dénoncé dans un communiqué.

Acquitté en première instance de crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale, M. Gbagbo attend en Belgique un éventuel procès en appel. Ses partisans avaient déposé sa candidature à la présidentielle, mais lui-même ne s'était jamais exprimé sur le sujet.

Sa candidature a été invalidée en raison d'une condamnation en janvier 2018 à 20 ans de prison par la justice ivoirienne dans le cadre de la crise de 2010-2011.

- "Etape nouvelle" -

"Cette liste partielle et partiale m'oblige. Elle m'oblige à une victoire nette pour tourner cette page noire de l'histoire de notre pays", a assuré M. Affi N'Guessan.

Guillaume Soro, dont la candidature a été jugée irrecevable en raison d'une condamnation par la justice ivoirienne à 20 ans de prison pour recel de "détournement de deniers publics", avait réagi dès lundi soir sur Twitter et Facebook.

"Je conteste vigoureusement la décision injuste et infondée prise par le Conseil Constitutionnel. Je considère que c'est une décision inique, politiquement motivée, juridiquement boiteuse et qui s'inscrit dans une logique d'anéantissement de la démocratie et l'Etat de droit", a affirmé M. Soro, ancien allié de Ouattara qu'il a aidé à accéder au pouvoir en 2010, avant de se brouiller avec lui en 2018.

Dénonçant "le parjure de M. Ouattara", Guillaume Soro, qui vit en exil, a annoncé engager "une étape nouvelle de notre combat pour la démocratie dans notre pays. Elle sera âpre mais nous la gagnerons", a-t-il promis, annonçant qu'il s'exprimerait davantage lors d'une conférence de presse en France jeudi.

De son côté, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire de l'ancien président Henri Konan Bédié, dont la candidature a été validée et qui s'annonce comme le principal adversaire du président Ouattara, a annoncé mardi qu'il ne participera pas aux élections des bureaux des Commissions électorales locales, le 15 septembre.

Le PDCI et l'opposition demandent depuis des mois une réforme de la Commission électorale indépendante (CEI) qu'ils jugent "inféodée" au pouvoir et ont déjà brandi la menace d'un boycott du scrutin.