Présidentielle en Guinée: Condé déclaré vainqueur, violences à Conakry

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Le président guinéen sortant, Alpha Condé, 82 ans, a gagné la présidentielle, remportant ainsi un troisième mandat controversé, selon les résultats provisoires annoncés samedi par la commission électorale (Céni) et qui ont entraîné immédiatement des violences à Conakry.

Annonçant ces résultats encore provisoires, le président de la CENI Kabinet Cissé a déclaré que M. Condé avait remporté 59,49% des voix au scrutin du 18 octobre.

Son principal rival Cellou Dalein Diallo, 68 ans, qui s'était proclamé vainqueur de la présidentielle avant la publication des résultats, a obtenu 33,5% des suffrages, selon la Céni.

"Nous allons protester contre ce hold-up électoral par la rue", a déclaré à l'AFP l'opposant, bloqué dans son domicile de Conakry par la police: "nous allons quand même saisir la Cour constitutionelle, sans se faire trop d'illusions."

Dès l'annonce des résultats, des affrontements ont éclaté entre forces de l'ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymognènes, et manifestants, a constaté un journaliste de l'AFP. Des bérets rouges étaient en appui aux policiers et aux gendarmes et des tirs étaient entendus.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé à une "solution pacifique" par le "dialogue" de la crise post-électorale, demandant à MM. Condé et Diallo, d'empêcher "la violence".

"Le secrétaire général exhorte également les leaders d'opinion et la presse à mettre un terme à tous discours incendiaires et appels à la dissension d'inspiration ethniciste", a déclaré son porte-parole dans un communiqué.

- "dans la rue" -

"Nous sommes dans la rue, tant que Cellou Dalein ne nous demandera pas de rentrer", a assuré à l'AFP l'un des manifestants, Souleymane Cisse, chauffeur.

Dans un communiqué, son parti, l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), a affirmé que "le bilan provisoire de ces exactions inouïes était (...) de 27 morts et de près de 200 blessés par balles", tandis qu'un bilan officiel a fait état de dix morts, sans qu'il soit possible d'obtenir un bilan des violences de source indépendante.

"L'UFDG a et ses alliés ne renonceront pas aux manifestations dans les rues et sur les places publiques pour protester contre ce hold-up électoral", ajoute le communiqué du parti.

Vendredi, dans un climat général d'inquiètude et de violences, la tension était déjà montée d'un cran vendredi, les violences faisant au moins cinq morts dans ce pays d'Afrique de l'ouest à l'histoire particulièrement troublée et sanglante.

Les autorités ont réquisitionné l'armée tandis que de nouveaux affrontements entre jeunes supporteurs de M. Diallo et forces de sécurité avaient éclaté à Conakry et en province.

La procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a mis en garde les acteurs politiques guinéens, leur rappelant "que quiconque commet, ordonne, incite, encourage et contribue" à des crimes tels que définis par les statuts de la CPI, "peut être poursuivi par les tribunaux guinéens ou par la CPI".

La Guinée est plongée depuis un an dans une profonde crise. Des mois de mobilisation contre l'éventualité d'un troisième mandat de M. Condé, à plusieurs reprises durement réprimée, ont fait des dizaines de morts civils.

Comme redouté de toutes parts, après une campagne émaillée d'incidents, les esprits se sont échauffés avec la présidentielle.

M. Diallo, battu par M. Condé en 2010 et 2015, avait proclamé sa victoire dès lundi en se fondant sur les données remontées par ses partisans envoyés dans les bureaux de vote pour ne pas s'en remettre à la Céni et à la Cour constitutionnelle, inféodées au pouvoir selon lui.

- Souffler sur les braises -

Le pouvoir l'accuse de souffler sur les braises. Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, le parti de M. Condé, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), traite M. Diallo de "pyromane", et parle "d'appel au meurtre et à la guerre civile" de sa part.

La Guinée s'est retrouvée vendredi avec un internet fortement dégradé. Netblocks, groupe qui surveille de telles coupures, a expliqué soupçonner l'action de l'Etat guinéen.

Une telle censure avait déjà été observée en mars à l'occasion d'un référendum constitutionnel et de législatives controversées.

M. Condé n'était pas encore officiellement candidat à sa succesion. La nouvelle Constitution visait à moderniser le pays, selon lui. Elle marquait l'avènement d'une nouvelle République, qui remettait donc, estime-t-il, son compteur présidentiel à zéro et lui permettait de se représenter.

Un Front national de la défense de la Constitution, M. Diallo en tête, menait alors la contestation anti-Condé.