23.01.08 - KENYA/CPI - KENYA : VIOLENCE, MORTS ET JUSTICE

La Haye, 23 janvier 2008 (FH) - Le bureau du procureur à la Cour pénale internationale (CPI) suit avec attention le déroulement des violences qui se produisent depuis trois semaines au Kenya, apprend on à La Haye, où siège ce tribunal. Les deux adversaires kenyans, Mwai Kibaki et Raila Odinga, se sont mutuellement menacés mardi d’en appeler à la Cour pénale internationale en ignorant apparemment les règles de saisine de cette juridiction.

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Avant ces déclarations, un membre du bureau du procureur de la CPI, interrogé par l’agence Hirondelle, a répondu que « le Kenya est un État Partie de la Cour pénale internationale et le Bureau du procureur suit toutes les allégations des crimes dans sa juridiction”.

Le statut de la CPI lui permet d’exercer sa compétence si une situation est déférée au Procureur par un État Partie ou par le Conseil de sécurité de l’ONU mais il lui permet également (art 15) d’exercer sa compétence en vertu d’une enquête ouverte par le Procureur de sa propre initiative.

Le Kenya est aux prises avec une crise politique depuis trois semaines, qui a engendré des violences interethniques faisant des centaines de morts. De nombreuses initiatives diplomatiques ont été engagées pour résoudre le conflit, mais, jusqu’à présent, aucune initiative ne semble avoir été prise pour rendre la justice aux victimes.

Le droit international humanitaire est avant tout destiné à protéger les populations civiles. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda et pour l’ex-Yougoslavie, la Cour pénale internationale, le Tribunal spécial pour le Cambodge et la Cour spéciale pour la Sierra Leone ont donné du muscle aux notions d’imputabilité et de justice pour les victimes.

Mais cela n’a pas empêché les violences contre les populations civiles de se répéter à travers l’Afrique. L’instabilité dans la région des grand lacs continue de se propager, la crise humanitaire au Darfour continue de faire rage.

La violence a éclaté à la fin de l’année dernière après la publication des résultats des élections présidentielles du 27 décembre qui ont officiellement donné la victoire au président sortant Mwai Kibaki. Ces résultats ont été rejeté par le chef de l’opposition Raila Odinga, qui dénonce la fraude électorale. Les violences opposent principalement, les Kikuyus, la tribu du président Kibaki, et les Luos, dont fait partie M. Odinga. Elles se poursuivent et ont fait plus de 400 morts selon le gouvernement Kenyan, mais des observateurs locaux estiment ce chiffre aux alentours du miller. L’ONU rapporte aussi que les violences ont forcé au-delà de 250 000 personnes à quitter leur foyer.

Des observateurs locaux, notamment l’évêque catholique d'Eldoret (ouest), Monseigneur Cornelius Korir, estiment que les attaques visaient des groupes ethniques précis et ont été minutieusement préparées et organisées.

C’est ce qu’une enquête judiciaire pourrait déterminer. A ce jour rien ne semble avoir été lancé. L’intervention de la CPI est soumise à quatre conditions. La première d’entres elles est que la Cour permanente n’a qu’une compétence subsidiaire, complémentaire des juridictions pénales nationales.

Elle ne peut intervenir si l’affaire qui lui est soumise fait déjà l’objet d’une enquête par des juridictions nationales ou si l’État a décidé de ne pas poursuivre (article 17) à moins que l’État n’ait pas la volonté ou soit dans l’incapacité de le faire.

Seuls les crimes les plus graves (génocide, les crimes contre l’Humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression) sont imputables et ils doivent avoir été commis après 2002 (date d’entrée en vigueur de son Statut).

Le Kenya a signé le Statut en août 1999 et a déposé son instrument de ratification en mars 2005, les attaques si elles ont été préparées et perpétrées contre des groupes ethniques précis pourraient constituer un début de qualification de crime contre l’Humanité.

MM-AV/PB/GF