07.02.08 - RWANDA/ESPAGNE - UN JUGE ESPAGNOL EMET DES MANDATS D’ARRET CONTRE DES OFFICIERS RWANDAIS

La Haye, 7 février 2008 (FH)- Un juge d’instruction espagnol a émis mercredi quarante mandats d’arrêt à l’encontre d’officiers supérieurs des Forces de défense rwandaises (FDR) pour actes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et terrorisme, commis entre le 1er octobre 1990 et l’année 2002. Le juge avait été saisi en 2000 par des proches de victimes espagnoles, des religieux et des humanitaires tués au Rwanda, et par plusieurs organisations rwandaises en exil, d’une plainte soutenue par le prix Nobel de la paix, Adolfo-Maria Pérez Esquivel et par l’ex-sénatrice américaine, Cynthia McKinney.

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Dans son arrêt, Fernando Andreu Merelles, qui vise aussi le président du Rwanda, Paul Kagame, estime que la justice espagnole n’est pas compétente pour engager des poursuites à son encontre, en raison de l’immunité dont il bénéficie en qualité de chef d’état, mais rappelle que le juge français Jean-Louis Bruguière avait demandé, par la voie diplomatique, au Secrétaire général des Nations unies de saisir le TPIR pour des faits relatifs à l’attentat contre l’avion de l’ex-président rwandais Juvénal Habyarimana.

Sur cet attentat commis le 6 avril 1994, et qui avait déclenché le génocide des Tutsis, le juge espagnol reprend les conclusions du juge français, qui avait émis des mandats d’arrêt à l’encontre de neuf officiers pour leur responsabilité présumée.

Le Rwanda avait alors, en novembre 2006, rompu ses relations diplomatiques avec la France. Les neuf hommes sont eux aussi visés par le juge espagnol, au premier rang desquels figure le chef d’état-major de l’armée rwandaise, James Kabarebe.

Selon le document du juge, sept des personnalités visées résideraient à l’étranger. Réagissant à l’annonce du juge, l’avocat des parties civiles, Me Jordi Palou-Loverdos, a estimé que la tenue d’un procès nécessite « la coopération des Etats » dans l’arrestation des responsables visés.

Parmi ces derniers figure le général Karake Karenzi, actuel numéro deux de la Mission des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour (MINUAD), le lieutenant-colonel Rugumya Gacinya, attaché militaire de l’ambassade du Rwanda aux Etats-Unis ou encore Kayumba Nyamwasa, ambassadeur du Rwanda en Inde.

Dans le document de 181 pages, le juge espagnol accuse le Front patriotique rwandais (FPR, ex-rébellion actuellement au pouvoir) d’avoir mis en place une véritable « méthode criminelle ».

Il estime que depuis sa prise du pouvoir à Kigali, en juillet 1994, le parti a créé « un véritable règne de la terreur (…) non seulement par la structure même de cette dictature, mais surtout, par la mise en place de structures parallèles responsables de crimes odieux commis contre la population civile, tant nationale qu’étrangère ».

Le « point culminant de cette politique », écrit le juge Fernando Andreu Merelles, est la politique d’« invasion et de conquête » de la République démocratique du Congo « en compagnie d’autres groupes politico-militaires créés à cet effet », qui sous couvert de motif sécuritaire, devait permettre la «réalisation d’un immense pillage et le pillage, en particulier des ressources naturelles précieuses », de sorte à se « maintenir au pouvoir et exercer une domination géostratégique sur la région ».

Le juge relève par ailleurs que les crimes commis en 1994 sont du ressort du tribunal international pour le Rwanda.

Malgré plusieurs résolutions du Conseil de sécurité en ce sens, le procureur Hassan Bubacar Jallow n’a jamais émis d’actes d’accusation à l’encontre des responsables présumés de crimes commis par l’armée patriotique rwandaise en 1994, en dépit de l’enquête ouverte en 2001 par son prédécesseur au parquet, Carla Del Ponte. Il affirme qu’il évalue encore les éléments de preuve.

SM/GF