La Première ministre française à Alger pour tenter de concrétiser une réconciliation franco-algérienne

Après plusieurs années de crise diplomatique franco-algérienne, la Première ministre française Élisabeth Borne se rend en Algérie dimanche et lundi pour tenter concrétiser la réconciliation amorcée fin août par les deux pays aux relations à la fois profondes et tourmentées, 60 ans après la fin de la guerre et l'indépendance algérienne.

La cheffe du gouvernement français sera accompagnée d'une délégation importante, avec pas moins de seize ministres et plusieurs chefs d'entreprise, pour ce déplacement lors duquel elle devrait rencontrer le président algérien Abdelmadjid Tebboune.

Cette visite doit renforcer le rapprochement des deux pays amorcé fin août. Après des mois de crise diplomatique, liée à un passé toujours douloureux, le président français Emmanuel Macron et M. Tebboune avaient annoncé une nouvelle dynamique dans la relation bilatérale, à l'occasion d'une visite de trois jours du chef de l'État français en Algérie.

C'était la deuxième fois que M. Macron se rendait dans le pays en tant que président, après une première visite en décembre 2017. Les relations entre les deux pays étaient alors au beau fixe avec un jeune chef d'État, né après 1962, qui avait qualifié avant son élection la colonisation française de "crime contre l'humanité".

Mais elles avaient tourné court, rattrapées par des mémoires traumatisées par 132 ans de colonisation, une guerre sanglante et le rapatriement douloureux d'un million de Français d'Algérie.

En octobre 2021, Alger avait notamment rappelé pour trois mois son ambassadeur à Paris, en réaction indignée à des propos d'Emmanuel Macron affirmant devant des jeunes que le pouvoir algérien s'était construit sur "une rente mémorielle" entretenue par "le système politico-militaire". Mais le président français a fait, depuis, amende honorable.

- Réchauffement "indéniable" -

"La venue de Mme Borne, un peu plus d'un mois seulement après celle du président Emmanuel Macron, est pour beaucoup d'observateurs un signe indéniable du réchauffement des relations entre Alger et Paris, et même plus", commentait cette semaine le site d'information algérien TSA.

Cette visite survient l'année du 60e anniversaire de la fin de la guerre et la proclamation de l'indépendance de l'Algérie en juillet 1962.

Elle doit concrétiser la "Déclaration d'Alger pour un partenariat renouvelé", signée le 27 août, avec à la clé des accords dans les champs de la formation, de la transition énergétique, de la coopération économique, de la jeunesse et de l'éducation, mais aussi sur des projets plus régaliens.

En revanche, les dossiers plus sensibles sur l'immigration ou la question mémorielle font, eux, toujours l'objet de discussions.

La question des visas a notamment empoisonné la relation bilatérale quand Paris a décidé à l'automne 2021 d'en diviser par deux le nombre octroyé en Algérie, jugée pas assez prompte à réadmettre ses ressortissants expulsés de France.

Les présidents des deux pays ont ouvert fin août la voie à un assouplissement du régime de visas accordés à l'Algérie, pour les étudiants, entrepreneurs, scientifiques, sportifs ou artistes, en échange d'une coopération accrue d'Alger dans la lutte contre l'immigration illégale.

Mais "les discussions n'ont pas encore abouti au moment où on se parle", a indiqué jeudi l'entourage de la Première ministre.

- "Temps propice" -

L'autre sujet sensible de la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie ne sera pas non plus au coeur de cette visite.

MM. Macron et Tebboune avaient annoncé la création d'une commission mixte d'historiens "pour regarder ensemble cette période historique" du début de la colonisation (1830) jusqu'à l'indépendance (1962).

L'Algérie demande notamment depuis longtemps un travail de mémoire sur les pages sombres de la colonisation française et pas seulement sur les sept dernières années de la guerre d'indépendance (1954-1962). La question des disparus algériens et européens durant la guerre reste aussi un sujet d'interrogations des familles des deux côtés de la Méditerranée.

Pour l'heure, cette commission qui doit être installée pour examiner "sans tabou" les archives des deux pays "est encore en cours de constitution", a-t-on fait savoir côté français.

"Emmanuel Macron a déblayé le chemin et le temps est propice à ce genre de coopération. Aujourd'hui, on est à un tournant de la relation, on a besoin d'une certaine durabilité", dit à l'AFP Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam) à Genève.

"Le pari du président français est de gagner la confiance des Algériens en avançant dans des dossiers qui ne constituent pas de grandes difficultés pour les deux parties pour, finalement, s'attaquer aux sujets difficiles, comme la question migratoire", ajoute le chercheur.

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