Accusée de crimes de guerre, la junte au pouvoir en Birmanie détourne au profit de son armée de l'air du fioul livré dans le pays pour les avions de ligne, a dénoncé jeudi Amnesty International dans un rapport.
Depuis le coup d'Etat de 2021 qui a fait plonger le pays dans un conflit sanglant, plus de 2.300 civils ont été tués par les forces de sécurité, selon le décompte d'une ONG locale.
Des combats violents sont engagés avec des groupes rebelles ethniques ainsi qu'avec des "Forces de défense du peuple". Plusieurs groupes de défense des droits ont accusé l'armée de lancer des frappes aériennes sur des civils, ce qui constitue des crimes de guerre.
Amnesty a suivi huit cargaisons de carburant destinées à l'aviation civile et arrivées dans le port de Thilawa entre février 2021 et septembre 2022.
Au moins deux de ces cargaisons, provenant l'une d'une filiale du géant chinois PetroChina et l'autre de Thai Oil, ont été livrées directement à l'armée, selon Amnesty citant des documents de douane et des documents internes.
Toute la logistique de ces cargaisons a été assurée par deux filiales birmanes du groupe pétrolier suisse Puma, dont l'une est en coentreprise avec une société d'État birmane.
L'une de ces filiales a également payé une entreprise locale pour transporter du carburant jusqu'à une installation de stockage de l'armée, indique Amnesty.
Depuis le coup d'Etat, des frappes ont été lancées depuis deux bases aériennes qui s'approvisionnent généralement auprès de cette installation, affirme Amnesty à l'aide des données de suivi des vols et d'entretiens avec d'anciens militaires.
Certaines de ces frappes ont constitué des crimes de guerre, selon l'organisation, qui se fonde sur des entretiens menés avec des civils sur le terrain.
Le mois dernier, des frappes aériennes sur un concert organisé par un important groupe ethnique rebelle dans le Nord du pays ont tué une cinquantaine de personnes, dont des civils, selon les rebelles.
Singapore Petroleum Company, Rosneft, Chevron et Thai Oil, qui ont tous fourni du carburant au cours de cette période, ont déclaré à Amnesty qu'ils pensaient avoir "fourni du carburant d'aviation à des fins civiles uniquement", selon le rapport.
Puma a admis avoir reçu des informations selon lesquelles les militaires avaient pu "enfreindre les contrôles mis en place" pour éviter que l'approvisionnement civil soit détourné et prévoit de se retirer de Birmanie, tout comme Thai Oil et une filiale du groupe norvégien Wilhelmsen.
Amnesty a demandé à toutes les entreprises impliquées dans la chaîne d'approvisionnement de "suspendre immédiatement la fourniture, la vente et le transfert directs et indirects, y compris le transit, le transbordement et le courtage de carburant d'aviation".
"Nous reconnaissons que les vols civils seraient affectés", a déclaré Montse Ferrer, chercheuse à Amnesty sur la responsabilité des entreprises en matière de droits humains.
Mais tant que l'armée "utilise ses jets pour mener des frappes aériennes illégales, des personnes meurent et sont déplacées quotidiennement".
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PUMA
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