Guerre antidrogue aux Philippines: la CPI confirme la réouverture de l'enquête

La Cour pénale internationale (CPI) a confirmé mardi la décision d'autoriser son procureur à rouvrir une enquête sur la guerre brutale antidrogue menée par le gouvernement de l'ex-président Rodrigo Duterte, contre laquelle Manille avait fait appel.

La juridiction avait autorisé en septembre 2021 une enquête sur cette campagne marquée par des milliers de personnes tuées par les forces de l'ordre, pouvant constituer, selon ses juges, des crimes contre l'humanité.

la Chambre d'appel a, lors d'une audience à La Haye, confirmé "la décision (...) autorisant le procureur de la CPI à reprendre les enquêtes relatives à la situation en République des Philippines".

La majorité des juges a rejeté l'argument de Manille selon lequel la juridiction "ne pouvait exercer sa compétence sur la situation aux Philippines" parce que le pays s'était retiré du Statut de Rome, traité fondateur de la juridiction.

Deux juges ont émis une opinion dissidente, a précisé la CPI dans un communiqué.

De plus "compte tenu de sa conclusion sur l'inactivité des Philippines concernant les crimes pertinents, il était correct pour la Chambre de première instance de ne pas examiner la question de la volonté et de la capacité des Philippines à enquêter", a-t-elle conclu.

La décision marque "la prochaine étape vers la justice" pour les victimes et leurs familles, a salué la directrice adjointe pour l'Asie d'Human Rights Watch Bryony Lau, appelant le gouvernement de Ferdinand Marcos à coopérer à l'enquête.

Le ministre de la Justice philippin Crispin Remulla a martelé mardi que la CPI n'était "pas la bienvenue aux Philippines" et que le gouvernement n'appliquerait aucun mandat d'arrêt émis par le tribunal.

Au moins 6.181 personnes ont été tuées lors de plus de 200.000 opérations anti-drogue menées, selon les dernières données officielles publiées par les Philippines. Les procureurs de la CPI estiment le nombre de morts entre 12.000 et 30.000.

- 'Déçu' -

Le bureau du Solliciteur général, représentant légal du gouvernement philippin, s'est dit "déçu" par la décision, mais a insisté qu'il poursuivrait malgré tout sa propre enquête.

"Dans le cas où l'accusation (...) délivrerait un mandat d'arrêt, le gouvernement serait toujours en mesure d'intervenir", a réagi Sarah Bafadhel, avocate associée de Manille dans l'affaire.

"Ce serait un autre moment approprié pour faire valoir son droit souverain et pour limiter la portée et la capacité du tribunal à cet égard", a-t-elle ajouté lors d'une conférence de presse en ligne depuis La Haye.

L'enquête autorisée en septembre 2021 avait été suspendue en novembre 2021 à la suite d'une requête de Manille, affirmant que le gouvernement enquêtait lui-même sur les crimes contre l'humanité présumés commis pendant la guerre contre la drogue.

En juin 2022, le procureur de la CPI Karim Khan avait demandé la réouverture de l'enquête, à quelques jours du départ du pouvoir de Rodrigo Duterte. La CPI l'y avait autorisé en janvier.

"Il est grand temps que l'enquête de la CPI se déroule sans encombre", a déclaré Karapatan, une alliance de groupes de défense des droits humains aux Philippines.

Cela "afin que les victimes de la sanglante guerre contre la drogue de Duterte puissent enfin emprunter la voie de la justice et de la responsabilité", a-t-elle ajouté dans un communiqué.

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