Bosnie: Dodik promulgue le rejet de la police et de la justice centrales par l'entité serbe

Le chef politique des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik, a promulgué mercredi une loi interdisant à la police et à la justice centrales de ce pays des Balkans d'exercer leur autorité dans l'entité serbe de Bosnie, la Republika Srpska (RS), une action aussitôt dénoncée comme un "coup d'Etat" par le chef de la diplomatie de ce pays divisé.

Par cette loi "la Republika Srpska se réapproprie son libre-arbitre et ses compétences", a déclaré M. Dodik, le président de cette entité dont les actions représentent un test important pour les fragiles institutions centrales du pays.

Depuis la fin de la guerre intercommunautaire (1992-1995), la Bosnie est composée de deux entités, la Republika Srpska et l'entité croato-musulmane, très autonomes et reliées par des institutions centrales dont les compétences, renforcées pendant des années, sont maintenant remises en question par le patron de l'entité serbe.

La loi promulguée a été adoptée le 28 février par le Parlement de la RS en riposte à la condamnation de Milorad Dodik, 65 ans, par la Cour d'Etat, à Sarajevo, à une peine d'un an de prison, assortie d'une interdiction d'exercer pendant six ans ses fonctions.

Il a été reconnu coupable, dans un procès de première instance, de non-exécution des décisions du haut représentant international, chargé de veiller au respect de l'accord de paix de Dayton, mais dont la légitimité est rejetée par les dirigeants des Serbes de Bosnie.

Il affirme être victime d'un "procès politique" visant à l'"éliminer de l'arène politique".

Les institutions visées par la législation adoptée sont justement le Parquet d'Etat, qui avait inculpé M. Dodik, et la Cour d'Etat, qui l'a condamné. Quant à la police, il s'agit de la SIPA, seule force policière centrale du pays.

Le ministre bosnien des Affaires étrangères Elmedin Konakovic, un dirigeant bosniaque (musulman), a accusé les responsables politiques de l'entité serbe d'avoir commis "un coup d'Etat classique" et a invité "les institutions de la Bosnie-Herzégovine" à répondre à leurs actions "de manière adéquate".

Intervenant sur le plateau d'une télévision locale (FTV), il a qualifié M. Dodik d'"instigateur principal", et a annoncé un recours auprès de la Cour constitutionnelle du pays pour faire annuler la loi.

- Appel au "calme" -

"Je suis convaincu que la Cour constitutionnelle prendra la décision qui protégera l'ordre constitutionnel de la Bosnie", a dit M. Konakovic.

Or, l'entité serbe a adopté en 2023 une loi pour rejeter aussi l'autorité de la Cour constitutionnelle. L'adoption de cette loi est justement à l'origine du procès en justice contre M. Dodik, qui l'avait promulguée malgré la suspension du texte par le haut représentant Christian Schmidt.

Les deux entités de Bosnie disposent de leurs propres forces policières et d'un système judiciaire. La justice centrale est chargée des affaires de crime organisé, de corruption, de crimes de guerre et d'éventuelle attaque à l'ordre constitutionnel du pays.

Le président de la Republika Srpska a déclaré que la législation qu'il a validée entrerait en vigueur vendredi.

"Nous allons accompagner ça (son entrée en vigueur, ndlr) avec beaucoup d'efficacité", a-t-il déclaré.

M. Dodik a aussi décrété une modification du code pénal de l'entité serbe, adoptée en même temps par le Parlement pour y ajouter une sanction maximale de cinq ans d'emprisonnement pour les employés de la RS qui refuseraient de quitter ces institutions communes du pays après l'entrée en vigueur de la législation.

"J'invite les gens dans l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine à rester calmes", a dit M. Dodik.

"Je crois que nous avons fait un travail important pour la Republika Srpska. C'est un tournant dans la récupération de notre libre-arbitre", a-t-il dit, en évoquant les changements sur la scène internationale avec le retour au pouvoir aux Etats-Unis de Donald Trump, dont il a célébré la victoire.

"Je suis convaincu que, dans la constellation des relations à l'échelle globale, les Etats-Unis et autres grands acteurs ne soutiendront plus la création d'Etats impossibles et de nations artificielles", a-t-il dit.

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