Le rideau pourrait tomber sur le plus grand festival de Serbie, EXIT, symbole de la résistance au régime de Slobodan Milosevic, les barricades se font rares et la répression continue. Mais les manifestants entendent préserver la flamme de leur combat contre la corruption.
Mi-juillet à Novi Sad, deuxième ville de Serbie et berceau de la contestation qui secoue le pays depuis des mois, la main rouge symbole de la corruption et les slogans qui rythment les manifestations sont partout. De la forteresse de Petravardin où se tient EXIT depuis l'an 2000 aux rues du centre-ville.
"Il s'agit tout simplement de maintenir la flamme, de répondre au régime", explique à l'AFP Srdan Kovacevic en tenant l'une des barricades qui ont fleuri ces dernières semaines à travers le pays.
Aucun festivalier ne peut éviter les noms des 16 personnes mortes dans l'effondrement le 1e novembre d'un bout du toit de la gare de Novi Sad qui venait d'être rénovée, un drame imputé par les manifestants à la corruption.
Depuis les manifestants ont déferlé par dizaines et parfois centaines de milliers dans les rues de Serbie pour demander la fin de la corruption, une enquête transparente sur l'accident de Novi Sad et, dernièrement, des élections anticipées.
Face à la colère, le président Aleksandar Vucic a fait partir un Premier ministre pour le remplacer par un novice, mais la politique du gouvernement n'a pas changé. Le président refuse de convoquer des élections anticipées avant la fin de l'année 2026 et accuse les manifestants d'être payés par l'étranger pour le renverser.
- "Tout est corrompu" -
Le mouvement a connu des reflux et les barricades érigées dans la foulée d'une immense manifestation fin juin à Belgrade se font de plus en plus rares. Mais la répression elle ne faiblit pas, et des dizaines d'étudiants et de professeurs ont été arrêtés ces dernières semaines.
"Je pense qu'il est essentiel d'être là, de sensibiliser au niveau national mais aussi à l'étranger", explique Vanja Manic-Matic, professeure de français, au milieu des milliers de personnes en route vers la forteresse pour ce qui pourrait être la dernière édition d'EXIT en Serbie.
Les organisateurs du festival, créé il y a 25 ans en opposition au pouvoir de Slobodan Milosevic - mort des années plus tard pendant son procès pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide - affirment que l'actuel président, Aleksandar Vucic veut les chasser.
Après qu'ils ont soutenu le mouvement de contestation, les fonds publics se sont soudainement volatilisés, disent-ils, et leurs partenaires ont été "contraints de se retirer" sous la pression.
Il est "fou" de vouloir faire partir l'un des festivals les plus connus de Serbie, s'est étonné lors d'une conférence de presse organisée pendant le festival Filip Ubovic, un étudiant. Mais "c'est super parce que ça permet de montrer à quel point tout est corrompu ici".
- "Pumpaj" & punks -
Photos des manifestations, slogans - le "Pumpaj!" (Pompez!", ndlr) devenu le mot d'ordre du mouvement... le festival a été l'occasion de mettre la lumière sur la contestation - même les Sex Pistols ont affiché leur soutien.
"Défendez vos droits, montrez que le peuple a le pouvoir. Pompez!", a aussi lancé la chanteuse Gala le soir de l'ouverture, entourée d'étudiants.
Alors que les vacances d'été vident les villes, il devient difficile de mobiliser, reconnait Srdan Kovacevic. Mais le mouvement va reprendre et il y aura des élections, croit dur comme fer cet avocat de 53 ans.
"C'est un message envoyé à l'Europe, au monde: nous sommes là, prêts à nous battre jusqu'à la victoire", abonde Aleksa Savic, un étudiant de 22 ans.
Au-delà d'EXIT, plusieurs festivals de théâtre et de cinéma ont été annulés ou se retrouvent sans financement sans explication ces derniers mois. En juin, c'est un ancien paramilitaire qui a été nommé à la tête de la compagnie nationale de théâtre - déclenchant un tollé dans la communauté culturelle serbe.
"C'est la décision la plus difficile que nous ayons eu à prendre en 25 ans, mais la liberté n'a pas de prix", a expliqué le fondateur et directeur du festival, Dusan Kovacevic.
"Merci à tous d'avoir eu le courage de venir cette année - d'envoyer un message au monde entier que l'amour et la lumière sont inarrêtables", a-t-il lancé avant de clore le 25e EXIT.