Le chef rebelle ougandais Joseph Kony, traqué sans succès depuis des décennies, ne compterait plus qu'une vingtaine de combattants et pourrait se cacher dans la région soudanaise du Darfour, selon le chercheur Kristof Titeca, l'un des meilleurs connaisseurs de son insurrection.
La Cour pénale internationale (CPI) entend mardi, en son absence, la mise en accusation de l'ex-enfant de choeur devenu chef de guerre qui a semé la mort en Afrique de l'est à la tête de la cruelle Armée de résistance du Seigneur (LRA).
Créée à la fin des années 1980 avec l'objectif de renverser le président ougandais Yoweri Museveni pour le remplacer par un régime fondé sur les Dix commandements, la LRA s'est forgée une effroyable réputation à force d'enlèvements d'enfants et de mutilations de civils à grande échelle.
La terreur qu'elle a semée - elle est selon l'ONU responsable de la mort de plus de 100.000 personnes et de l'enlèvement de quelque 60.000 enfants, convertis en soldats ou esclaves sexuels - vaudra à Kony et quatre de ses adjoints d'être visés en 2005 par les premiers mandats jamais émis par la CPI.
Mais Kony n'a jamais été arrêté, malgré une récompense de cinq millions de dollars (près de 4,3 millions d'euros) promise par Washington pour toute information menant à son arrestation, son transfert ou sa condamnation.
Nombre de ses partisans ont perçu les échecs répétés à le capturer comme une preuve des pouvoirs mystiques qu'il prétendait détenir, ajoute M. Titeca.
Ce professeur à l'Institut de politique de développement de l'Université d'Anvers, qui suit de près la LRA depuis des années, s'est entretenu avec de nombreux transfuges, dont un fils du chef de guerre, Ali Kony, après sa reddition surprise en 2023.
A son apogée, la LRA comptait des milliers de combattants. Mais les redditions se sont multipliées depuis l'échec d'un processus de paix en 2008, qui a conduit à des opérations militaires de l'Ouganda, parfois soutenues par des soldats américains.
- Darfour -
Ses combattants sont ensuite "grosso modo passés en mode survie", affirme M. Titeca à l'AFP.
"Aujourd'hui, la LRA se compose de Joseph Kony, d'une vingtaine de combattants à ses côtés, et d'un nombre inconnu de femmes et d'enfants", estime-t-il. "Elle est vraiment très réduite comparée à ce qu'elle était autrefois."
Les insurgés ont aussi "modifié leur mode opératoire et ont renoncé aux enlèvements et aux attaques de masse, car ils attiraient trop l'attention", ajoute le chercheur.
Des transfuges ont révélé que le groupe s'était temporairement retiré dans des régions comme que le Darfour au Soudan, aujourd'hui en proie à la guerre civile, ainsi que dans la zone densément boisée de Mboki en République centrafricaine (RCA).
Joseph Kony "survit grâce au commerce illicite d'ivoire, d'or et de diamants", qui lui permet d'acheter la protection d'autres groupes armés, souligne M. Titeca. Il dépend également tout comme ses derniers fidèles d'activités comme l'apiculture et la production de marijuana, note-t-il.
- Wagner -
En mars 2024, un groupe de membres de la LRA s'est échappé en Centrafrique et s'est rendu à un groupe armé local affilié aux mercenaires russes d'Africa Corps, anciennement connu sous le nom de Wagner, qui soutient le gouvernement centrafricain.
Un mois plus tard, des mercenaires russes ont attaqué un comptoir commercial surnommé "Yémen", géré principalement par des membres de la LRA, dans cette même région centrafricaine.
Mais ils ont raté Kony de quelques jours seulement, selon un rapport d'un groupe d'experts des Nations unies, corroboré par les entretiens de M. Titeca avec des transfuges.
Les Russes ne cherchaient probablement pas tant les millions de dollars que l'occasion de "faire un doigt d'honneur géopolitique aux Etats-Unis, qui n'ont jamais réussi à l'attraper après toutes ces années", estime-t-il.
"Après ces attaques en RCA, je pense qu'il (Kony) se trouve au Darfour du Sud", ajoute Kristof Titeca. "Son fils et d'autres, dit-il, ne croient pas qu'il réapparaitra un jour... ou qu'il sera arrêté un jour."