Au Bangladesh, le parti interdit de l'ex-Première ministre fait de la résistance

C'était il y a un an le plus grand parti du Bangladesh. Interdite depuis la chute de sa cheffe, l'ex-Première ministre Sheikh Hasina, la Ligue Awami fait de la résistance en organisant des manifestations éphémères qui mettent les autorités sur les dents.

Fin septembre, Mohammad Kashem en a été le témoin dans la capitale du pays, Dacca. Soudainement, une vingtaine de militants du parti se sont réunis sous ses fenêtres, aussitôt dispersés, poursuivis et, pour la plupart, interpellés par la police.

"Ca arrive partout dans Dacca", témoigne auprès de l'AFP cet agent d'entretien de 45 ans. "On voit des annonces tous les jours sur Facebook."

La Ligue Awami a été déclarée illégale après les émeutes meurtrières qui ont précipité, en août 2024, la fin des 15 ans du règne de la "bégum de fer" Sheikh Hasina.

L'ex-cheffe du gouvernement, 78 ans, vit depuis en exil en Inde. Les militants de son parti, exclu des élections législatives annoncées pour février prochain, se sont faits depuis très discrets.

Mais à l'approche du scrutin, les plus convaincus ont commencé à ressortir de l'ombre. Par groupes de quelques dizaines, ils défient les autorités en se retrouvant dans les rues pour déployer une pancarte ou un drapeau et lancer quelques slogans.

"Sheikh Hasina revient", "Le Bangladesh retrouve le sourire", lancent-ils avant de se fondre dans la foule.

Même rapide, l'opération est risquée. La police intervient sans tarder pour embarquer les fauteurs de troubles qui, comme l'a constaté Mohammad Kashem, sont souvent copieusement tabassés.

- Répression -

"Les pauvres garçons", soupire-t-il. "Les poids lourds du parti les ont abandonnés après le 5 août (2024) mais ils continuent à risquer leur vie..."

Depuis sa résidence indienne, Sheikh Hasina s'exprime régulièrement sur les réseaux sociaux. Elle a appelé récemment ses partisans à "résister".

Aussi spectaculaires que fugaces, leurs protestations agacent le gouvernement provisoire dirigé par le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus, qui a pris les rênes du pays l'année dernière.

"Nous avons renforcé la surveillance de ces rassemblements illégaux", a annoncé son porte-parole, Shafiqul Alam, qui dénonce ces "fascistes devenus dangereux à l'approche des élections".

Interrogé par l'AFP, un porte-parole de la police de Dacca, Md Talebur Rahman, a confirmé "plus de 800" arrestations en lien avec ces attroupements.

Comme il avait dénoncé la mise hors-la-loi de la Ligue Awami en vertu d'une loi réprimant les activités "terroristes", l'ONG Human Rights Watch (HRW) s'est émue de la fermeté des autorités.

"Le gouvernement provisoire ne devrait pas adopter le même comportement que celui imposé aux Bangladais lors du règne de Sheikh Hasina", a estimé un de ses représentants, Meenakshi Ganguly, "qu'il s'agisse d'emprisonner les adversaires politiques ou de réprimer des manifestations pacifiques".

- Complot -

En politique avisée, Sheikh Hasina ne s'est pas privée d'insister sur la répression qui vise ses soutiens.

"Elle essaie de gagner la sympathie (de l'opinion) en partageant les images des violences, courses-poursuites et arrestations qui visent les membres de son parti", relève l'analyste Zahed Ur Rahman.

Les autorités ne semblent toutefois pas prêtes à desserrer la pression sur les manifestants, convaincues qu'ils font partie d'un plan délibéré visant à faire dérailler le fragile processus électoral.

"Je ne peux révéler aucun détail", a récemment lancé devant la presse le patron de la police, Baharul Alam, "mais ceux qui ont perdu (en 2024) font à l'évidence partie de ceux à qui ces activités profitent".

A chacune de ses apparitions, le chef de la commission électorale, AMM Nasir Uddin, souligne les "nombreux défis" qui jonchent la route des élections.

Côté judiciaire, le procureur chargé du procès ouvert contre Mme Hasina, notamment pour crimes contre l'humanité, a confirmé le lancement imminent de poursuites contre la Ligue Awami.

"L'enquête arrive bientôt à son terme", a confié Md Tajul Islam devant les journalistes. "Une fois que ce sera fait, nous engagerons la procédure."

Pas de quoi dissuader l'ex-Première ministre et ses partisans, assure un haut-responsable du parti, Khalid Mahmud Chowdhury, depuis son exil. "Vous avez vu comment nous avons réussi à troubler le sommeil du gouvernement?", plastronne-t-il.

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