28.11.08 - TPIR/BIKINDI - LE CHANTEUR SIMON BIKINDI ENTENDRA SON JUGEMENT MARDI

Arusha, 28 novembre 2008 (FH) - Simon Bikindi, chanteur-compositeur rwandais accusé de génocide devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), saura mardi s'il est considéré comme coupable après que ses chansons ont accompagne et précédé le génocide de 1994.

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Absent du Rwanda pendant le génocide, le chanteur, âgé de 54 ans, a plaidé non coupable des six chefs d'accusation déposés contre lui, dont génocide et crimes contre l'humanité. Son procès a commencé le 18 septembre 2006, les débats se sont terminés le 6 novembre 2007 après que le procureur ait amené 17 témoins à charge et la défense 37. Les plaidoiries ont eu lieu le 26 mai 2008. Il a été arrêté aux Pays Bas le 12 juillet 2001.

Avant le génocide, a insisté le procureur dans son acte d'accusation, son ballet, appelé Irindiro, se produisait à chaque meeting du parti présidentiel. Puis ses chansons ont largement été diffusées par la Radio télévision des Milles collines, qui lançait des appels au génocide. Dans son acte d'accusation le procureur estime que le chanteur a aidé le pouvoir en place à «vaincre médiatiquement».

Trois chansons en langue rwandaise ont été au coeur des débats. Il s'agit de Twasezereye (Nous avons dit adieu) exécutée pour la première fois en 1987, à l'occasion du 25e anniversaire de l'indépendance, d'Akabyutso (le Petit réveil) et d'Impuruza (l'Alerte) composées en 1992. Ce sont là les titres originaux de l'auteur mais, pour le Rwandais moyen qui les a entendues presque chaque jour sur les ondes de la RTLM en 1993-1994, les deux dernières chansons s'intitulent respectivement « Nanga Abahutu » (Je déteste les Hutus) et "Bene Sebahinzi" (Les descendants du Père des cultivateurs).

Deux linguistes rwandais appelés comme témoins-experts par le procureur puis par la défense ont rendu des conclusions opposées sur la signification de ces deux chansons présentées dans l'acte d'accusation comme des appels aux crimes.

Pour l'expert de l'accusation, Jean de Dieu Karangwa, Professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales, à Paris, il s'agit ni plus ni moins d'appels à l'unité des Hutus contre les Tutsis. Eugène Shimamungu, appelé par la défense, a rappellé que la neuvième symphonie de Beethoven avant de devenir l'hymne de l'Union européenne était jouée à chaque anniversaire d'Adolf Hitler et que son auteur n'a pas été consulté. Il cite également la Marseillaise et ses couplets guerriers, Jacques Brel et ses Flamingants, pour dire « qu'aucun chant révolutionnaire n'a précédé une révolution ».

Bien que le débat sur la liberté d'expression ait été soigneusement évité - "ce n''était pas le sujet" dit Andreas O'Shea, l'avocat de Bikindi - la chambre dira mardi si le chanteur a dépassé ou non les limites. Ce jugement intervient aprés le procès Médias qui se voulait celui des dérives de la presse, et dont la chambre d'appel a réduit l'accusation quasiment à néant.

PB/ER/GF

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