08.10.08 - RWANDA/GACACA - INNOCENTEE APRES DEUX CONDAMNATIONS POUR FAUX TEMOIGNAGES

Nyamasheke (Ouest du Rwanda), 8 Octobre 2008 (FH) - Mme Spéciose Mukangango, une rwandaise de 35 ans, a été condamnée à deux reprises pour avoir témoigné contre M. Déo Nziraguseswa, poursuivi pour crimes de génocide devant la juridiction gacaca du secteur Nyamasheke, a appris sur place l'Agence Hirondelle.

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« La 1ère fois j'ai été condamnée à 15 ans comme un criminel, pour avoir dit ce que j'ai vu et entendu pendant le génocide. Nziraguseswa, le génocidaire que j'accusais a été acquitté, il est parti et moi je suis allée en prison. En appel, j'ai été condamnée à 1 an d'emprisonnement « pour avoir menti à la juridiction ». Ce n'est que devant la juridiction de Rusizi que j'ai été acquittée et le criminel condamné », a-t-elle expliqué à l'agence Hirondelle.

La juridiction gacaca de Gihundwe a jugé, le 9 septembre dernier lors d'un procès en révision, Déo Nziraguseswa et l'a reconnu coupable et condamné pour responsabilité et complicité dans l'assassinat de Thérèse Karusaro pendant le génocide des Tutsi de 1994, apprend on auprés de François Kajiwabo, un juriste de l'association de rescapés Ibuka présent à Nyamasheke.

« Même devant ces corrompus de Nyamasheke, j'ai toujours affirmé avoir vu et entendu Déo dire ‘Enlevez cette saleté, je suis fatigué de faire le gardiennage de deux familles', mais ils préféraient se taire et se débarrasser de moi. Pourtant, c'est sur cet ordre que la vieille Thérèse a été tuée à coups de massue et sa maison détruite », a raconté Spéciose.

Depuis longtemps femme de ménage chez Madame Karusaro, Spéciose sait tout de cette famille : « Nzamwita Martin, le fils de la victime qui vit en Europe, a confié, en 1993, sa mère et tous les biens de la famille aux soins de Nziraguseswa.. C'est lui qui gérait la famille, un enfant de la famille quoi ! J'ai été plus que surprise de voir le même Déo venir et tuer maman, elle qui le prenait pour son propre fils. Martin, lui-même n'a pas compris quand il est revenu », dit la jeune femme entre deux soupirs.

Aujourd'hui, le jugement est définitif et Spéciose se sent comme à la fin d'un grand combat, « d'un long calvaire : seule contre tous, des juges indignes, la population lâche, achetée et muette ; je me sens soulagée d'un grand fardeau : dire la vérité pour venger la mort d'une personne aimée et innocente, une vieille de 73 ans », murmure-t-elle, en essuyant une larme.

Pour le représentant d'Ibuka, le procès de Nziraguseswa, et les malheurs de Spéciose ont les couleurs de bien des procès dans la région de Cyangugu : « l'argent pour acheter et dévier l'intégrité des juges, le mensonge ou la persécution des témoins et le silence de la population, la vérité et la justice piétinées...enfin, des procès qui s'étirent en longueur et qui vont de juridictions en juridictions », dit-il.

Appelé pour une révision dans la juridiction d'un autre secteur, Bushekeri, sur décision du Service national des juridictions gacaca (SNJG), le président de cette juridiction s'est rendu compte au vu du délibéré, de la corruption de ses collègues. Ainsi le procès s'est retrouvé à Gihundwe A, dans un autre district.

Selon Delmas Munyeragwe, le vieux président de cette juridiction, un chauffeur de taxi, parent de l'accusé, Jean Ngendahimana a été surpris en flagrant délit tandis qu'il remettait un chèque de 150.000 francs rwandais. Le dossier est en cours d'instruction au parquet de Rusizi, a indiqué une source de la police locale

SRE/PB/GF

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