La guerre en Ukraine donne un nouvel élan à la CPI, qui célèbre ses 20 ans

2 min 37Temps de lecture approximatif

Critiques et controverses ont émaillé les deux premières décennies de son existence mais la guerre en Ukraine donne un nouvel élan à la Cour pénale internationale (CPI), vingt ans après sa création pour juger les pires atrocités commises dans le monde.

Un maigre bilan de cinq condamnations et des accusations selon lesquelles elle ne s'est concentrée que sur l'Afrique ont terni l'image de la CPI, dont le traité fondateur --le Statut de Rome-- est entré en vigueur le 1er juillet 2002.

Le refus de grandes puissances mondiales telles que les Etats-Unis, la Russie et la Chine de rejoindre cette instance a également entravé la portée de la cour basée à La Haye, aux Pays-Bas.

Mais en tant que seule juridiction permanente au monde pour des accusations graves telles que génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, elle reste la juridiction de dernier recours pour de nombreux pays.

L'invasion de l'Ukraine par la Russie fin février a fait prendre conscience à la communauté internationale de l'importance de l'Etat de droit, a observé le procureur de la CPI Karim Khan.

"Si nous ne nous en tenons pas à la loi aujourd'hui, je pense qu'il y a très peu d'espoir pour qui que ce soit demain", affirmait M. Khan à l'AFP en mai.

La cour organise une conférence vendredi pour célébrer son vingtième anniversaire, promettant des "réflexions sur la manière dont la CPI a répondu aux attentes", a-t-elle indiqué.

Et ces attentes ont toujours été élevées.

- "Objectifs nobles" -

La juridiction est le successeur du procès de Nuremberg qui a jugé les crimes nazis après la Seconde Guerre mondiale, lorsque le nouvel ordre international d'après-guerre était en quête d'un idéal de justice mondiale.

Les tribunaux sur les guerres en ex-Yougoslavie dans les années 1990, le génocide rwandais en 1994 et le conflit en Sierra Leone ont également jeté les bases d'une cour permanente à La Haye.

Le Statut de Rome a été signé en 1998, avec une entrée en vigueur quatre ans plus tard.

Mais la CPI n'a depuis obtenu que cinq condamnations, tous des rebelles africains, et aucun chef de gouvernement.

L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo a été innocenté, l'ancien vice-président de la République démocratique du Congo Jean-Pierre Bemba acquitté en appel et les poursuites à l'encontre du président kenyan Uhuru Kenyatta ont été abandonnées.

"En considérant l'héritage de la CPI à la lumière de ses nobles objectifs, les résultats sont négligeables", a déclaré à l'AFP Thijs Bouwknegt de l'Institut NIOD pour les études sur la guerre, l'Holocauste et le génocide.

De nombreux pays se sont tenus à l'écart de la cour. L'ancien président américain Donald Trump l'a sanctionnée pour son enquête en Afghanistan et la Russie aurait tenté d'y envoyer un espion.

Les critiques sont "justes" mais la CPI a également apporté une "contribution significative", a souligné Victoria Kerr de l'Institut Asser de droit international et européen.

"La CPI n'est pas une panacée et son efficacité ne doit pas être mesurée uniquement sur ses convictions", a-t-elle déclaré à l'AFP.

- Soutien occidental -

De nouvelles enquêtes ont ces dernières années été ouvertes sur certains des conflits les plus contestés au monde, notamment Israël-Palestine, l'Afghanistan, la Birmanie et les Philippines.

M. Khan a déclaré lors de sa prise de fonction en 2021 qu'il souhaitait "réparer" le bilan de la CPI.

Mais sa décision de ne pas enquêter sur les crimes américains en Afghanistan "a révélé que le tribunal continue de faire la révérence aux plus puissants", a estimé M. Bouwknegt.

Longtemps sous-financée et à court de personnel, la CPI a connu un regain de soutien occidental depuis l'invasion de l'Ukraine, avec notamment l'aide de dizaines d'enquêteurs étrangers. Cette enquête lui donne une chance de prouver ses pouvoirs.

"Le principal défi consistera à amener des auteurs de haut niveau devant le tribunal", selon Mme Kerr, difficulté clé à laquelle la CPI est confrontée depuis deux décennies.