Après avoir condamné la plupart des ministres du gouvernement intérimaire dont leur chef, puis les responsables de médias, les juges du TPIR ont condamné jeudi en première instance, les militaires. Ils devraient l'année prochaine tenter d'en finir avec les procès des politiciens.
Mais ces juges se refusent toujours à suivre l'accusation dans sa volonté de condamner clairement l'intention criminelle commune, cette fameuse « entente en vue de commettre le génocide », élément constitutif sur lequel ils butent depuis le premier jugement prononcé en 1998.
Mesuré comme il l'a été dans les 10 jugements qu'il a prononcé depuis qu'il préside une chambre, le juge Erik Mose a pris soin de rappeler qu'un procès pénal « ne permet pas de brosser un tableau exhaustif de tout ce qui s'est passé au Rwanda » . 410 jours d'audience étalés sur plus de 5 ans, 30.000 pages de transcripts, 1600 pièces à conviction et 4500 pages de conclusions aideront malgré tout à clarifier l'Histoire.
Bagosora, en dépit de l'image tracée à grands traits par les procureurs successifs, n'est pas condamné par le TPIR en tant que «cerveau» du génocide. « Des dispositions avaient été prises en vue d'un affrontement pour la conquête du pouvoir politique ou militaire et des mesures adoptées dans le contexte d'une guerre engagée contre le FPR ont été mises en œuvre à d'autres fins à partir du 6 avril 1994» dit noir sur blanc le résumé du jugement. Le texte lui-même, long de plus de 500 pages, est en cours de finalisation.
Dans ce texte, les juges affirment toutefois que les meurtres et les manœuvres militaires exécutés peu après l'attentat ne pouvaient l'avoir été que «suite à des ordres émanant d'autorités militaires supérieures». Bagosora, rappellent ils, était «la plus haute autorité du ministère de la défense et a exercé un contrôle effectif sur l'armée et la gendarmerie». Cette affirmation sera au cœur de son appel.
Souvent critiqué pour son inefficacité, sa lenteur, ses imprécisions, ses maladresses, le TPIR va laisser avec ce jugement un document fondamental même si, dit le jugement, « la chambre a été limitée par des normes de preuve et des procédures strictes (...) et "l'obligation de concentrer son action sur les quatre accusés (...)".
Selon les Nations unies, témoin passif des événements, 800.000 personnes, tutsi mais aussi hutu opposants au régime en place, ont été tuées pendant les trois mois du génocide.
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