Au moins 17 personnes ont été tuées jeudi par des frappes sur une ville du centre de l'Ukraine, au moment où l'Union européenne et la Cour pénale internationale (CPI) doivent évoquer aux Pays-Bas les crimes de guerre imputés à l'armée russe.
Selon les services de secours ukrainiens, les bombardements ont touché un parking accolé à un immeuble commercial du centre de Vinnytsia, important noeud ferroviaire dans le centre-ouest du pays. Les images publiées par les secours montrent un bâtiment d'une dizaine d'étages éventré et brûlé, des dizaines de carcasses de voitures calcinées.
Selon le parquet ukrainien, "17 personnes sont mortes, dont deux enfants" et plusieurs dizaines ont été blessées.
"Chaque jour, la Russie tue des civils, tue des enfants ukrainiens, tire des missiles sur des cibles civiles où il n'y a rien de militaire. Qu'est-ce que c'est, si ce n'est un acte ouvert de terrorisme?", a affirmé jeudi sur la messagerie Telegram le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, après l'annonce des tirs sur Vinnytsia.
Au même moment, des responsables politiques, diplomatiques et judiciaires venus du monde entier, dont les ministres européens des affaires étrangères et de la justice, se préparaient jeudi à se réunir à La Haye pour une conférence sur la responsabilité pour les crimes commis en Ukraine depuis le 24 février.
M. Zelensky doit y faire une déclaration par visioconférence et son chef de la diplomatie Dmytro Kouleba sera présent.
La Cour pénale internationale de La Haye a ouvert début mars, quelques jours après l'invasion russe de l'Ukraine, une enquête sur la situation dans le pays et y a dépêché des dizaines d'enquêteurs pour recueillir des preuves d'éventuels crimes de guerre.
Son procureur, Karim Khan, s'est lui rendu en avril à Boutcha, une ville des environs de Kiev devenue le symbole des atrocités de cette guerre, où des journalistes de l'AFP avait découvert les corps de 20 civils dans une rue et où, selon les responsables ukrainiens, des centaines d'autres personnes ont été tuées.
- Frappes sur le sud -
Depuis plusieurs semaines, les frappes russes sur l'ouest et le centre de l'Ukraine, loin des lignes de front de l'est et du sud, étaient relativement rares.
Mais la guerre s'étend et fait désormais rage autour de villes comme le port de Mykolaïv, proche de la mer Noire et verrou-clé sur la route d'Odessa (sud-ouest), qui a été touché par une "frappe massive de missiles" tôt jeudi matin, pour le deuxième jour consécutif.
"Deux écoles, des infrastructures de transport et un hôtel ont été endommagés", a déclaré la présidence dans son briefing matinal quotidien.
Les images diffusées par les autorités locales montrent les restes d'un bâtiment détruit par un bombardement, les travailleurs municipaux nettoyant les débris éparpillés par l'attaque.
Kiev a de son côté lancé depuis plusieurs semaines une contre-offensive pour reprendre Kherson, située à une soixantaine de kilomètres de Mykolaïv et unique capitale régionale capturée par Moscou depuis le 24 février.
Si la ligne de front reste relativement stable, l'Ukraine organise des attaques de plus en plus puissantes avec de nouveaux systèmes de roquettes américains et européens ciblant les dépôts d'armes.
- "Victoire totale" -
Les principaux combats restent toutefois concentrés sur l'est de l'Ukraine et le Donbass, bassin industriel et minier que Moscou a promis de conquérir entièrement.
Selon le gouverneur de la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï, "les attaques massives d'artillerie et de mortier se poursuivent (et) les Russes tentent de percer vers Siversk et d'ouvrir la voie vers Bakhmout", où un civil est mort dans des bombardements dans la nuit de mercredi à jeudi.
Les séparatistes pro-russes soutenus par Moscou affirment de leur côté être proche d'y remporter une nouvelle victoire, quelques jours après avoir pris plusieurs villes d'importance.
"Siversk est sous notre contrôle opérationnel, ce qui signifie que l'ennemi peut être touché par nos tirs dans toute la zone", a déclaré un responsable séparatiste, Daniïl Bezsonov, cité par l'agence de presse russe TASS.
L'AFP n'était pas en mesure de confirmer de façon indépendante cette information.
Un peu plus au nord, dans la région d'Izioum, "on creuse quand c'est calme, on se cache quand ça tire", confiait à l'AFP un soldat dans des tranchées labyrinthiques de plusieurs dizaines de mètres de long construites par l'armée ukrainienne, au son des tirs d'artillerie.
Un de ses officiers déclarait toutefois que "la situation est sous contrôle", affirmant dans cette zone que l'armée russe n'avance plus et que l'objectif est "la victoire totale".
- Discussions sur les céréales -
Mercredi, au cours d'une réunion d'experts militaires à Istanbul, la Russie et l'Ukraine ont par ailleurs progressé sur l'épineuse question du blocage des exportations de céréales à partir des ports ukrainiens.
Des "progrès réellement substantiels" ont été réalisés, a commenté le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, qui a dit espérer qu'un "accord formel" pourrait être prochainement conclu et évoqué "une lueur d'espoir pour soulager la souffrance humaine et la faim dans le monde".
L'accord négocié par Antonio Guterres depuis plus de deux mois vise non seulement à faire sortir par la mer Noire quelque 20 millions de tonnes de céréales bloquées dans des silos ukrainiens, en particulier à Odessa, mais aussi à faciliter les exportations russes de grains et d'engrais.
L'Ukraine est l'un des principaux exportateurs mondiaux de blé et d'autres céréales et le temps presse, face à la hausse mondiale des prix des denrées alimentaires qui fait peser des risques de famine, notamment sur l'Afrique.