Le Parquet national antiterroriste (Pnat) fait face à une "explosion" des enquêtes préliminaires après des signalements des autorités de l'asile, a indiqué vendredi la vice-procureure antiterroriste Sophie Havard, lors d'un rassemblement à Paris des spécialistes de la demande d'asile.
Plus de la moitié des enquêtes du pôle "crimes contre l'humanité, crimes et délits de guerre" du Pnat concernent aujourd'hui des "demandeurs d'asile non protégés", à savoir des personnes à qui le statut de réfugié a été refusé car il "existe des raisons sérieuses de penser qu'elles ont commis des crimes internationaux", a précisé la vice-procureure de la République antiterroriste au Tribunal judiciaire de Paris, à l'occasion d'un colloque organisé au Sénat par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) pour son 70e anniversaire.
Ce n'est que depuis 2015 que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) est tenu de signaler aux autorités judiciaires ces profils appelés "1F", du nom de l'article de la convention de Genève qui prévoit leur exclusion de la protection internationale.
"Depuis, l'augmentation a été constante et significative", a déclaré Sophie Havard. Pour le seul pôle crime contre l'humanité du Pnat, les signalements sont passés de six en 2016 à 35 en 2019 et 45 depuis le début de l'année 2022.
Tous les signalements ne donnent pas lieu à l'ouverture d'une enquête, mais le Pnat assiste à une "explosion des enquêtes préliminaires avec une part prépondérante des enquêtes ouvertes" concernant des demandeurs d'asile, a-t-elle poursuivi.
"Aujourd'hui, nous avons 83 enquêtes préliminaires, dont 52 ouvertes après des signalements par des autorités de l'asile", a-t-elle ajouté.
Des poursuites dont aucune n'a abouti à un procès, à ce jour, mais qui induisent "des enjeux fondamentaux en termes d'ordre public et de sécurité intérieure", selon la vice-procureure antiterroriste, car les personnes concernées ne peuvent souvent pas être renvoyées dans leur pays d'origine, en raison des persécutions encourues.
"Nous sommes face à des personnes installées en France, qu'on ne peut ni régulariser ni expulser, qui se trouvent dans une zone grise potentiellement lourde de dangers", a-t-elle déclaré devant les spécialistes de l'asile.
Selon elle, de nombreux "auteurs de crimes internationaux instrumentalisent et détournent la procédure de demande d'asile pour échapper à leurs responsabilités pénales".