Karemera, qui témoigne pour sa défense depuis la semaine dernière, est jugé avec deux autres responsables du Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND) dissous par la justice rwandaise en 2001.
Volubile, l'ancien dirigeant rwandais a, tout au long de la journée, rejeté les suggestions, parfois non moins longues du procureur Don Webster, selon qui les massacres de Tutsis à Bisesero ont été commis en exécution d'une instruction de l'accusé.
Depuis le début de sa déposition, Karemera soutient que les exactions commises pendant le génocide étaient le fait de « bandits » incontrôlés qui profitaient du « chaos ».
Lorsque M. Webster a sorti un document manuscrit qu'il a présenté comme le « brouillon » d'un rapport que l'ex-préfet de Kibuye, Clément Kayishema, voulait adresser à Karemera, la tension a commencé à monter.
L'inculpé a déclaré qu'il contestait cette pièce non ignée mais où il est notamment question d'une évaluation de « la défense civile » qui, selon l'accusation, ne visait qu'à tuer les Tutsis. « Ce document, je le mets de côté. Il ne m'a pas été transmis », a indiqué l'accusé.
Plus loin dans le manuscrit, l'auteur décrit les hauteurs de Bisesero sur lesquelles s'étaient retranchés des Tutsis comme « une zone dangereuse », que « la population n'a pas réussi à ratisser ».
« Je vois où vous voulez en venir ; vous voulez dire que je ne l'ai pas sanctionné. Pouvais-je le faire sur base d'un brouillon qui ne m'avait pas été transmis ? », a réagi Karemera qui répond très souvent par des questions.
L'audition s'est poursuivie au milieu d'échanges vifs avec le procureur auquel l'accusé ne pardonnait pas de le confondre, par erreur, avec l'ancien préfet Kayishema condamné par le TPIR ou avec Karamira, un ancien politique exécuté au Rwanda en 1998. « Je suis détenu depuis 11 ans, je suis dans le box depuis deux semaines. Je m'étonne que vous ne connaissiez pas encore mon nom. Ne me prenez pas pour un mort. Je suis là ». Après que Webster eut présenté ses excuses, sur le conseil du juge président Dennis Byron, une erreur de traduction affiliant l'ex-ministre au Mouvement démocratique républicain (MDR), a encore gâché l'atmosphère.
L'accusé-témoin a insisté sur « sa fierté » d'avoir appartenu au MRND et non au MDR avant de dire qu'il était excédé. « Je ne sais pas pourquoi on me met sous cette tension. Monsieur le président, je ne peux pas continuer ».
Constatant lui-même, « la tension qui prévaut dans la salle », le juge Byron a lors suggéré de prendre, avant l'heure habituelle, la pause de la mi-journée. Après-midi, le contre interrogatoire s'est poursuivi dans une ambiance moins tendue.
ER/GF
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