17.06.09 - TPIR/MUVUNYI - PROCES D'UN DISCOURS PRONONCE UN APRES-MIDI DE MAI 1994

Arusha, 17 juin 2009 (FH) - Le Tribunal pénal international pour le Rwanda a entamé mercredi le nouveau procès du lieutenant-colonel Tharcisse Muvunyi, accusé d'incitation directe et publique à commettre le génocide à travers un discours qu'il aurait prononcé en mai 1994 dans le sud du pays, a constaté l'agence Hirondelle.

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Par coïncidence, le procès a débuté dans l'après-midi, au moment précis de la journée où fut prononcé le message incriminé.

« Un après-midi vers fin mai 1994, le lieutenant-colonel Tharcisse Muvunyi, en compagnie d'autres fonctionnaires locaux, a tenu une réunion publique au centre de négoce de Gikore, dans la commune Nyaruhengeri, préfecture de Butare (sud) », a déclaré Charles Adeogun-Phillips, représentant du procureur.

« Dans son discours, le lieutenant-colonel Muvunyi a exprimé ses sentiments anti-tutsis qu'il a communiqués à la milice et à la population locales à travers des proverbes rwandais», a poursuivi le magistrat qui s'exprimait en anglais.

Ces propos ont été interprétés par l'audience exclusivement hutue comme un appel à exterminer les quelque tutsis encore en vie dans la région, a ajouté le substitut du procureur avant de faire entrer dans le prétoire le premier des 6 témoins qu'il entend faire comparaître.

Désigné par le nom de code FBX, le témoin, un « génocidaire repenti » aujourd'hui libre après avoir purgé sa peine, a affirmé que l'accusé avait appelé, à travers des expressions rwandaises, à ne pas épargner les femmes ou hommes tutsis mariés à des Hutus.

Selon ce témoignage, l'officier a même demandé d'éliminer les Hutus qui cachaient des Tutsis ou les protégeaient d'une façon ou d'une autre. «Lorsqu'un serpent s'enroule autour d'une calebasse, il n'y a d'autre solution que de casser la calebasse », aurait lancé le responsable militaire, selon FBX qui déposait en langue rwandaise.

Vêtu d'un élégant costume bleu, l'accusé, assis à côté de son avocat américain, William Taylor,  suivait et notait avec application, décidé à ne perdre aucun instant de cette accablante déposition.

« Le lendemain matin, j'ai participé à une attaque qui a tué plus de 10 personnes, dont un enfant âgé d'un an », a poursuivi le témoin, sans exprimer le moindre remords et sans que sa voix trahisse la moindre émotion.

FBX devait encore être confronté aux questions de la défense.

Parmi les autres témoins, figure un universitaire rwandais, Evariste Ntakirutimana, qui présentera à la chambre « une analyse socio-linguistique de certains termes polysémiques utilisés pendant le guerre de 1990 à 1994 au Rwanda », selon Adeogun-Phillips.

Muvunyi avait été condamné à 25 ans d'emprisonnement le 12 septembre 2006 après avoir été reconnu coupable de « génocide, incitation directe et publique à commettre le génocide et autres actes inhumains ».

Le 29  août 2008, la chambre d'appel avait annulé les déclarations de culpabilité ainsi que la peine, et ordonné un nouveau procès pour « incitation directe et publique à commettre le génocide », relativement au discours de Gikore.

ER/GF

 © Agence Hirondelle