17.07.09 - TPIR/KAREMERA - LA CHAMBRE A COMMANDE UN RAPPORT SUR L'ETAT DE SANTE DE NGIRUMPATSE

Bruxelles, 17 juillet 2009 (FH) - La Chambre de première instance III du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a commandé un nouveau rapport médical, en prenant soin de préciser les éléments qu'elle voudrait connaître, sur l'état de santé de Mathieu Ngirumpatse avant de se prononcer davantage sur la poursuite du procès MRND.

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Conformément à l'avis rendu par la Chambre d'appel dans le courant du mois dernier, les premiers juges ont demandé ce rapport non seulement au médecin en chef du Tribunal mais également à un expert médical indépendant « sans lien antérieur avec l'affaire ».

La Chambre d'appel a en effet annulé la décision prise par la première Chambre de disjonction du cas de M. Ngirumpatse des autres dirigeants du MRND, au motif qu'elle n'avait pas pris suffisamment d'éléments en compte avant de se décider.

Les juges d'appel ont trouvé « spéculatif » le seul avis du médecin en chef du Tribunal sur les dates de rétablissement de l'ancien président du MRND.

Ils n'ont toutefois donné aucun avis sur les droits que les premiers juges entendaient protéger en prenant cette décision, à savoir : le droit à un procès équitable et plus précisément celui d'être jugé sans retard excessif ; et l'économie judiciaire.

En mars 2009, les juges de première instance s'étaient imposés de prendre une décision sur la poursuite, ou non, du procès MRND suspendu alors depuis le mois d'août 2008.

Ils estimaient effectivement, bien qu'Edouard Karemera et Joseph Nzirorera pensent le contraire, que les deux accusés subissaient un préjudice en raison du temps déjà écoulé depuis le début du procès (septembre 2005), ce qui violait leur droit d'être jugés sans retard excessif.

La notion de retard excessif se calcule, selon la Chambre, en tenant compte de « la longueur du retard ; la complexité de la procédure telle le nombre des chefs d'accusation, le nombre d'accusés, le nombre de témoins, le volume des preuves, et la complexité des faits et de la loi ; la conduite des parties ; la conduite des autorités pertinentes ; et le préjudice de l'accusé, s'il y en a un» (affaire Bizimungu, TPIR, 14 juin 2007).

Les difficultés qui ont découlé de la suspension du procès, notamment les allées et venues de témoins ne pouvant déposer, le fait qu'ils doivent attendre sur place et le temps de détention des accusés qui s'accumule, font que, sur ce point, « les droits de l'accusé d'être jugés sans retard excessif ont été violés » déclaraient les juges.

Ils en étaient alors arrivés à la conclusion que, ne pouvant imposer la poursuite du procès en l'absence de M. Ngirumpatse en raison de son droit, consacré dans cette même affaire, d'être « physiquement présent à son procès », la disjonction constituait la solution la moins intrusive à son égard.

La disjonction d'une affaire n'est possible que dans deux cas selon l'article 82 B) du Règlement de procédure et de preuve du TPIR : pour éviter un conflit d'intérêts qui pourrait causer un sérieux préjudice aux accusés (ce qui relèverait de l'argumentaire de la Chambre précédemment évoqué) ou pour protéger l'intérêt de la justice (la fin du mandat du TPIR se rapproche à grands pas).

D'après la jurisprudence c'est l'intérêt de la justice qui « est prépondérant » (affaire Delalic, TPIY, 1er juillet 1998). L'économie judiciaire et l'opportunité des procès sont, elles, des conditions pré-requises à l'examen (affaire Brdjanin et Talic, TPIY, 9 mars 2000). Enfin, seul le préjudice né du procès joint, apparu au cours du déroulement du procès peut motiver une ordonnance de disjonction (affaire Brdjanin et Talic).

En l'espèce, l'accusé Ngirumpatse s'est opposé à ce que la stratégie de fin de mandat du TPIR joue un rôle quelconque dans la prise de décision. Du même avis, la Chambre de première instance III a affirmé que dans le cas où différents principes sont en conflit, le droit de l'accusé à un procès équitable prime sur l'économie judiciaire et la rapidité des procédures.

Mais finalement, la Chambre de première instance s'est elle-même ravisée en décidant, quelques jours plus tard, de ne pas donner effet à la disjonction, après que M. Ngirumpatse eut accepté que les débats se poursuivent en son absence, en attendant la décision de la Chambre d'appel.

Les juges de la troisième chambre sont aujourd'hui dans une passe difficile tandis que M. Ngirumpatse redemande une suspension d'audience jusqu'au mois d'octobre ainsi qu'une libération provisoire pour aller se faire soigner en Europe.

Les trois ex-responsables du MRND ont été regroupés dans une affaire jointe car le Procureur entendait se focaliser sur l'infraction d'entente en vue de commettre le génocide dans le cadre du parti présidentiel.

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