25.09.09 - TPIR/ANALYSE - LES TEMOINS GENOCIDAIRES NE SONT PAS FORCEMENT DES MENTEURS

Bruxelles, 25 septembre 2009 (FH) - Le recours au témoignage de « génocidaires » est fréquent dans des affaires jugées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Ces « témoins complices » sont cités aussi bien par l'accusation que par la défense.

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Les témoins ont un rôle fondamental dans la poursuite des responsables des violations graves du droit international humanitaire tant devant le TPIR que devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).

De fait, ils sont la principale source d'informations dont les parties disposent puisque, en tout cas, en ce qui concerne le Rwanda, l'organisation génocidaire a laissé peu de traces écrites. De plus, la procédure pénale anglo-saxonne, qui domine dans les juridictions internationales, a largement recours à leur participation.

Parmi les témoins directs du génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda, figurent aussi bien des rescapés que des génocidaires. Les seconds, « personnages à moralité douteuse », selon Jean-Pierre Fofe Djofia Malewa, un avocat ayant plaidé devant le TPIR, sont les personnes qui ont été condamnées par les juridictions rwandaises pour des faits de génocide.

Il est acquis « que la jurisprudence des deux tribunaux ad hoc n'écarte pas, a priori, la déposition de personnes ayant été condamnées», rappelle la chambre d'appel du TPIR dans son arrêt du 18 novembre 2007 dans l'affaire médias.

Toutefois, certains « génocidaires », comme dans l'affaire Simba, ont avoué leurs forfaits devant le TPIR avant même de l'avoir fait au Rwanda. On a alors parfois considéré qu'il s'agissait d'une stratégie de leur part pour tenter, en échange de leur coopération, d'obtenir une condamnation plus clémente. Le témoin YH dans l'affaire citée ne s'en cache d'ailleurs pas. Un autre espérait même pouvoir être « pardonné et gracié » C'est ainsi que la crédibilité de ces témoins est régulièrement mise en doute.

Dans leurs décisions, les chambres du TPIR ne se sont jamais longtemps attardées sur la question. Néanmoins, elles ont régulièrement pris soin de démontrer toutes les précautions dont elles ont fait preuve pour considérer le témoignage des « génocidaires ».

Les juges des tribunaux ad hoc seront parfois davantage suspicieux quand les témoins sont des complices avérés. L'arrêt de la Chambre d'appel du TPIR dans l'affaire Ntagerura et consorts récapitule d'une manière concise les positions déjà prises par le TPIR ainsi que par le TPIY.

Les juges doivent avoir un « œil critique » ; la déposition, tout comme les circonstances dans lesquelles elle a été faite doivent être étudiées « avec la plus grande prudence » ou « avec toute la circonspection voulue » : le témoin avait-il « des motifs précis de déposer comme il l'a fait et de mentir ? », ce sont-là des questions que la chambre doit se poser.

Précisant au passage que la corroboration d'un témoignage, même d'un complice, n'était pas obligatoire, les juges y ont cependant régulièrement recours.

La Chambre d'appel concluait, dans l'affaire Ntagerura, en rappelant qu'« une Chambre de première instance a toute latitude pour apprécier les éléments de preuve produits et rechercher s'ils sont fiables dans l'ensemble, sans expliquer sa décision en détail ».

Dans le jugement de Callixte Kalimanzira, le 22 juin de cette année, la Chambre de première instance considère qu'il «  ne semble pas que sa procédure judiciaire soit améliorée par un faux témoignage contre Kalimanzira» non plus qu'il aurait pu avoir « un intérêt à diluer sa propre responsabilité dans les crimes en accusant ». Elle acceptera de la même manière d'accorder du crédit au témoignage suivant, également délivré par un condamné des juridictions rwandaises Gacaca.

Enfin, il faut considérer que « la déposition d'un complice n'est pas en soi dépourvue de crédibilité, notamment lorsque le témoin complice peut être contre interrogé de façon approfondie».

Parmi les « génocidaires » figurent des repentis, passés aux aveux dans le cadre de la procédure, nouvelle à l'époque, prévue par la loi organique rwandaise de 1996. L'introduction du plaidoyer de culpabilité visait à raccourcir les procès, à réduire le travail des investigateurs et, surtout, à favoriser le processus de réconciliation.

L'aveu complet (description détaillée des infractions commises, renseignements sur les coauteurs et complices, excuses présentées pour les méfaits avoués) fourni avant la communication du dossier répressif au président de la juridiction ouvrait droit, sauf pour les accusés de « la catégorie 1 » qui concerne les faits les plus graves, à une réduction de peine. La procédure a connu un franc succès.

Il est des points positifs et importants dans le recours à de tels témoins. En effet, ils connaissent souvent les rouages de l'organisation criminelle ou de la répartition hiérarchique souvent si difficiles à établir. Une Chambre du TPIY admettait en effet dans la triste affaire du camp de Celebici que le témoin complice était, à propos de l'accusé, « bien placé pour connaître le statut exact de ce dernier ».

AV/ER/GF

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