06.11.09 - RWANDA/Belgique - UN EX-DIRIGEANT INTERAHAMWE POURRAIT NE PAS ASSISTER A SON PROCES

Bruxelles, 06 novembre 2009 (FH) - Le procès d'Ephrem Nkezabera, un ancien membre dirigeant des milices Interahamwe, qui doit s'ouvrir lundi prochain devant la Cour d'assises de Bruxelles, va sans doute se dérouler sans l'accusé, gravement malade, selon son avocat.

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« Mon client souffre d'une affection qui n'est pas susceptible de guérison et qui le rend incapable, en raison de son traitement, de suivre le déroulement de son procès », a déclaré Me Gilles Vanderbeck à l'agence Hirondelle.

L'avocat précise avoir sollicité un report pour raisons médicales. « La Cour devra trancher sur le bien-fondé de cette demande. En cas de refus, il est fort probable que l'affaire soit évoquée par défaut en ce qui concerne mon client », a-t-il ajouté, disant le regretter « tout autant que lui ». Nkezabera a été libéré le 27 août 2008 après quatre ans de détention préventive, pour suivre un traitement médical.

Le greffe de la Cour confirme : « Tout va se jouer lundi matin. On attend des précisions de l'avocat de Nkezabera et la Cour devrait statuer sur la suite. Le procès serait possible sans l'accusé, ou peut-être avec une présence intermittente ? ».

Selon le parquet fédéral, la Cour tiendrait à ce que le procès ait lieu même par défaut, compte tenu de son importance pour les victimes.

Les parties civiles attendent également l'ouverture du procès pour arrêter une position. « Nous préférerions un procès contradictoire dans de bonnes conditions. Mais si l'accusé est en mauvaise santé, cela n'a pas de sens », estime ainsi Me Philippe Lardinois, l'un des conseils des victimes, qui insiste sur le caractère « extraordinaire » de la situation.

Ephrem Nkezabera, 56 ans, est poursuivi pour crimes de guerre - meurtres, tentatives de meurtres et viols commis au Rwanda pendant le génocide de 1994. Cette dernière incrimination de viols considérés comme des crimes de guerre est une première en Belgique.

Cet ancien cadre de la Banque commerciale du Rwanda (BCR) était, à l'époque des faits, président de la commission économique et des finances au sein du comité national des Interahamwe, la principale milice ayant participé aux tueries, qui ont fait plus de 800 000 morts selon l'Onu, essentiellement parmi l'ethnie tutsi. Il était aussi membre du parti du président Juvénal Habyarimana, le Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND).

Arrêté à Bruxelles en 2004, à la suite d'un accord conclu avec le procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), il était réputé être depuis plusieurs années, aux côtés d'autres anciens dirigeants des Interahamwe, un informateur du tribunal onusien.

Cité comme témoin lors de précédents procès en Belgique, en 2005 et 2007, il avait lors des audiences de 2005 fourni de nombreuses indications sur les circuits de financement du génocide. Son absence l'empêcherait d'approfondir ces témoignages, alors qu'il semblait disposé à apporter davantage d'éclaircissements.

L'accusé a reconnu la plupart des faits qui lui sont reprochés. Il a admis, lors de l'instruction, avoir armé et financé les Interahamwe afin d'exterminer les Tutsis et les Hutus modérés. Il a ajouté avoir publiquement « encouragé » de nombreux Interahamwe au massacre lors d'une réunion publique en 1993. Enfin, il reconnaît avoir participé au financement de la Radio libre des mille collines, créée la même année et qui a ouvertement soutenu les tueries sur ses ondes.

Il rejette en revanche les accusations de viols, parlant de « partenaires consentantes » - ce que contestent les avocats des parties civiles, qui estiment que les victimes présumées n'avaient d'autre choix que de céder ou de se faire tuer.

Les juges ont également retenu, en plus des crimes identifiés, des incriminations ouvertes de « meurtre ou viol d'un nombre indéterminé de personnes en des lieux indéterminés à des dates indéterminées entre le 6 avril et le 2 juillet 1994 ». Me Vanderbeck a critiqué ce choix qui a provoqué, selon lui, des « dérives » lors des précédents « procès Rwanda » en autorisant la constitution de nombreuses parties civiles très éloignées, voire étrangères à la cause.

Dix-huit victimes présumées se sont à ce jour constituées parties civiles ; d'autres pourront se présenter jusqu'au début du procès. La possible absence de l'accusé est une nouvelle déconvenue pour elles, alors qu'elles s'étaient déjà déclarées très déçues de la décision des juges de ne pas retenir l'inculpation de génocide.

La Belgique est un des rares pays européens à avoir mené à bien des procès en rapport avec le génocide perpétré contre les Tutis, en vertu d'une loi dite de « compétence universelle » datant de 1993, révisée en 2003. Le procès d'Ephrem Nkezabera est prévu pour durer environ un mois.

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© Agence Hirondelle