25.07.05 - TPIR/MUVUNYI - UN OFFICIER ACCUSE D’AVOIR INCITE AUX MASSACRES ET AUX VIOLS (SYNTHESE)

Arusha, 22 juillet 2005 (FH) - Le procureur a clôturé son accusation le 20 juillet dans le procès du colonel Tharcisse Muvunyi en cours devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Muvunyi, 52 ans, était commandant de l’Ecole des sous-officiers de Butare (sud) en 1994.

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Il est notamment accusé d’avoir ordonné à des soldats placés sous son commandement d’enlever et de tuer des réfugiés tutsis en province de Butare.

Il lui est en outre reproché de ne pas avoir pris des mesures nécessaires pour punir des soldats qui se livraient à des viols. Muvunyi plaide non coupable.

Le procureur a cité 22 témoins dans ce procès qui a commencé le 28 février 2005. Le procureur en chef, Hassan Bubacar Jallow (Gambie), a déclaré, à l’ouverture du procès, que «à partir de fin avril 1994, l’accusé a fait partie des délégations gouvernementales qui ont sillonné les communes (de Butare) incitant la population (hutue) à massacrer les Tutsis».

Il a ajouté que des témoins l’avaient vu ordonnant aux soldats de l’ESO d’enlever et de tuer des patients tutsis et des réfugiés à l’hôpital universitaire de Butare et dans un couvent des sœurs Benebikira.

Enlever «la saleté»

Plus de sept témoins protégés ont allégué des actes d’enlèvements et d’incitation à tuer.

Le témoin CCR a affirmé que l’accusé a ordonné l’extermination des Tutsis et leurs complices dans la commune de Nyakizu en avril 1994.

«Ces complices dont je parle sont des Tutsis et des Hutus qui sont des couards. Tous ces gens doivent être exterminés, nous devons enlever cette saleté», aurait indiqué Muvunyi, selon CCR.

L’accusé aurait en outre invité les membres de la population qui ne savaient manier les armes à feu à une formation paramilitaire.

Le témoin XV a, pour sa part, allégué que Muvunyi s’était rendu à l’hôpital universitaire de Butare à la mi-mai 1994. Après cette visite, des soldats seraient venus régulièrement à l’hôpital pour enlever les réfugiés.

Toujours d’après ce témoin, des soldats sous la responsabilité de Muvunyi, auraient mené des attaques contre environ 800 Tutsis qui avaient cherché refuge dans des forêts autour de Butare.

Des allégations similaires ont été portées contre lui par des témoins protégés YAN et YAP.

Selon un autre témoin, YAO, Muvunyi aurait en outre réprimandé des religieuses pour avoir hébergé des Tutsis «sans ma permission». Certaines personnes réfugiées au couvent auraient été tuées au moment même où les religieuses étaient en train d’être interrogées par Muvunyi à l’ESO.

Le témoin CCP a, de son côté, allégué que Muvunyi a incité des hommes hutus mariés à des Tutsies à tuer leurs femmes parce qu’elles pouvaient les empoisonner. «Tuez-les toutes ou jetez- les dehors afin qu’elles soient tuées ailleurs», aurait ordonné Muvunyi.

L’officier aurait tenu ces propos au cours d’une réunion de «pacification» tenue en mai ou juin 1994, selon CCP.

Muvunyi aurait par ailleurs comparé les Tutsis à des serpents. «Si un serpent s’enroule autour d’une calebasse, il faut nécessairement casser cette dernière», aurait déclaré l’accusé, selon le témoin YAQ.

M.YAQ a avoué sa participation au génocide devant les tribunaux rwandais. L’avocat américain de Muvunyi, Me William Taylor, a notamment plaidé que le témoin avait accepté de témoigner contre Muvunyi en échange d’une peine légère au Rwanda.

L’avocat a en outre relevé des contradictions entre les déclarations de YAQ devant la chambre et ses affirmations devant la justice rwandaise et les enquêteurs du parquet du TPIR.

La preuve du parquet a été caractérisée par de nombreuses séances à huis clos. Par exemple après son ouverture, le procès s’est déroulé à huis clos pendant une semaine. Même chose pour les deux derniers témoins qui ont été entendus par vidéo-conférence, l’un depuis Kigali, l’autre depuis La Haye.

Allégations de viol

Trois témoins ont accusé des soldats de l’ESO d’avoir commis des violences sexuelles contre des femmes tutsies.

Le témoin QY a déclaré avoir été violée à plusieurs reprises. La première fois, un soldat l’aurait violée dans un boisement proche de l’ESO. «Maintenant que nous avons mélangé notre sang, je ne vais pas te tuer», aurait déclaré le soldat après le crime.

Mme QY aurait par la suite été violée par trois soldats, non loin du bureau de la province de Butare. «Deux hommes ont écarté mes jambes et le troisième m’a violée», a-t-elle dit. Elle a ajouté qu’elle avait été violée une nouvelle fois deux semaines après cet incident.

Une autre femme, le témoin TM, a allégué qu’elle avait été violée par un soldat nommé Katabirora, alors qu’elle était enceinte de six mois. Elle a ajouté que Katabirora et d’autre soldats étaient allés chez elle pour y chercher des Tutsis qui s’y étaient cachés et les avaient tués, a-t-elle expliqué.

Autre victime du viol, le témoin protégé AV. Celle-ci aurait été conduite dans la brousse par des soldats qui tenaient un barrage routier. Ils l’ont battue jusqu’à l’inconscience et l’ont finalement violée. «Quand j’ai repris conscience, j’étais très faible et je ne pouvais pas serrer mes jambes», a-t-elle témoigné. Elle ajouté que ses vêtements avaient été déchirés et que ceux qui l’avaient violée étaient déjà partis.

Selon la victime, les soldats lui avaient dit auparavant qu’«ils voulaient voir à quoi ressemblait le sexe d’une femme tutsie».

Peu avant le début du procès, le procureur avait néanmoins demandé l’autorisation de retirer les chefs d’accusation de viols mais sa requête avait été rejetée par la chambre. Il avait argué qu’il lui était difficile de trouver des témoins à cet effet.

Le procès du colonel Muvunyi reprend le 14 novembre 2005 avec la comparution des témoins de la défense. Muvunyi a été arrêté en Grande Bretagne le 5 février 2000 et transféré à Arusha en octobre la même année.

AT/NI