21.01.10 - RWANDA/FRANCE - SOSTHÈNE MUNYEMANA SE DEFEND ALORS QUE KIGALI DEMANDE SON EXTRADITION

Paris, 21 janvier 2010 (FH) - Sosthène Munyemana, médecin urgentiste à l'hôpital Saint-Cyr de Villeneuve (Sud-Ouest de la France), soupçonné d'avoir participé au génocide rwandais de 1994, estime dans un entretien avec l'agence Hirondelle que "des raisons politiques" sont à l'origine de sa convocation, mercredi, devant la Cour d'appel régionale de Bordeaux.

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M. Munyemana a reçu la visite de la police judiciaire bordelaise à son domicile mercredi matin, a-t-on appris par les quotidiens régionaux.

Joint au téléphone jeudi par le correspondant de l'Agence Hirondelle en France, le ressortissant Rwandais explique avoir été conduit devant le procureur général de Bordeaux. Celui-ci lui a fait part d'une convocation de la Cour d'appel régionale, qui a été chargée d'entendre une demande d'extradition émanant de Kigali.

Le Rwanda avait émis un mandat d'arrêt international pour « crimes de  guerre et génocide » contre Munyemana en 2006, relayé par Interpol et  jusqu'ici non suivi d'effet.

« Je sais qu'il y a une reprise des relations entre Paris et Kigali et je soupçonne que des raisons politiques ne sont pas loin de ce qui  se passe aujourd'hui, estime l'intéressé. Mais je ne comprends pas pourquoi je devrais faire partie de ses tractations».

En France, Munyemana fait par ailleurs l'objet d'une instruction devant le Tribunal de Grande instance de Paris, suite à une plainte déposée le 18 octobre 1995 par un Collectif girondin pour le Rwanda à laquelle se sont joints par la suite la Fédération internationale des droits de l'homme, l'association Survie et le Collectif des parties civiles pour le Rwanda.

« Vu ce que la justice française nous a réservé jusqu'à aujourd'hui, nous ne sommes pas opposés à une extradition, commente le président du Collectif, Alain Gauthier. Mais nous ne nous faisons pas d'illusion, car jusqu'ici toutes les demandes venues du Rwanda ont été rejetées».

Désigné comme « Le boucher de Tumba » dans un rapport publié par l'organisation African Rights en mars 2006, Munyemana exerçait de 1989 à juin 1994 comme gynécologue à l'hôpital universitaire de Butare. « Lors du  génocide, le docteur Munyemana est devenu l'un des principaux assassins de Tumba, commune de Ngoma dans la préfecture de  Butare », écrit l'ONG dans son rapport.

Des accusations « calomnieuses », selon le médecin rwandais.

En janvier 2008, la Cour nationale du droit d'asile française a cependant rejeté sa demande d'asile, en considérant qu'il existe « des raisons sérieuses de penser que M. Sosthène Munyemana s'est rendu coupable [...] notamment d'un crime contre l'humanité ». Il a fait appel de ce rejet.

Selon le Collectif des parties civiles pour le Rwanda, la plainte déposée contre le médecin en 1995 reposerait, à l'origine, sur « un document qui semble être un faux ». Un pseudo rapport attribué au 

Haut Commissariat des Droits de l'Homme de l'Onu. Pour le président du Collectif, cela ne le dédouane en rien du reste des charges réunies depuis. « En novembre dernier à Kigali, j'ai encore rencontré des témoins qui disaient que c'est lui qui détenait les clés du local communal où étaient enfermés les Tutsis », précise Gauthier.

« Il n'y a pas que des faux documents dans mon dossier, mais aussi beaucoup de faux témoignages », répond l'intéressé.

Depuis quinze ans qu'une plainte a été déposée contre Munyemana, il n'a jamais été mis en examen en France. Le dégel des relations  diplomatiques entre les deux pays semble devoir faire avancer son dossier devant les juges chargés de l'instruire. Ils se sont d'ores et déjà rendus à Kigali en novembre, dans le cadre d'une commission rogatoire.

Une issue souhaitée par l'accusé, qui ne serait « pas satisfait s'il n'y avait pas de procès en bonne et due forme ».

FP/GF

© Agence Hirondelle